A l'approche du cinquantième anniversaire de la signature des accords d'Evian qui scéllèrent la fin de la guerre d'Algérie, on revoit des films (dont certains comme La Bataille d'Alger interdits jusqu'en 1970) et des documentaires qui retracent cette terrible période de notre histoire commune, aux Algériens et à nous ... Sans doute est-ce devenu aujourd'hui possible, avec le recul, après tant d'années de tabou. Car ce fut une période terrible, d'un côté comme de l'autre .... de bruit et de fureur, de meurtres aveugles, de trahisons, de folie collective d'un côté comme de l'autre.
J'avais déjà vu cet excellent docu-fiction (comme on dit maintenant). Mais je n'avais pas noté comment était exposés de façon tout à fait objective, certains faits : la droiture du colonel Mathieu (incarné par Jean Martin, seul acteur professionnel, que l'on verra ensuite uniquement dans des rôles de salaud, y compris dans la série-culte Belphégor à la TV), inspiré par le Colonel Bigeard, les exactions cruelles des attentats perpétrés tant par les cellules FLN que par l'OAS plus tard. Jamais je ne m'étais rendue compte de cette horreur ... ni des souffrances inouies des populations : les paysans des douars, déjà si pauvres, chassés de leurs terres pour être concentrés dans des camps de "regroupement", la douleur des rapatriés devant tout quitter pour une métropole qui ne souhaitait pas du tout les accueillir, la détresse des harkis, du moins ceux qui ont pu être rapatriés car les autres furent massacrés - des douleurs sans pardon possible, des cicatrices jamais refermées.
En 1962, je me souviens, j'avais 16 ans. Dans ma famille, on n'avait qu'un seul objectif : la fin de la guerre et le retour du mari de ma soeur, Gérard, qui faisait son service militaire sur la ligne de frontière entre le Maroc et l'Algérie, du côté de Colomb-Béchar. Au prix de n'importe quel renoncement. Ma soeur aînée était mariée depuis septembre 1958, elle avait déjà un petit garçon, elle avait rejoint son mari avant de revenir donner naissance à un second bébé, mon filleul. Le meilleur camarade de promotion de mon beau-frère, fils unique, était mort en Algérie dans un stupide accident. Nous ne pensions qu'au retour de notre parent, à n'importe quel prix.Quand les rapatriés sont revenus, personne ne s'est poussé sur le banc pour leur faire de la place. Ils avaient des habitudes de travail acharné et d'entreprise qui bousculaient les français tranquilles, jouissant de la prospérité tranquille des trente glorieuses. Sur la Côte d'Azur où ils s'installèrent en nombre, ils ont fait d'importants investissements, bâtissant des fortunes à force de travail et d'innovation. Ils ignoraient que ce n'atait pas possible, et donc, ils ont réussi, suscitant une jalousie teintée de mépris. Quant aux harkis qui avaient choisi la France, ils furent universellement ouliés, parqués dans des camps. Honte à nous, bons français sans états d'âme.
La guerre est une abomination. La guerre coloniale encore plus. Aujourd'hui, je pense qu'il est bon d'instruire les jeunes générations des erreurs des uns et des autres. Expliquer les racines de ce long contentieux entre les français et les algériens.Un peuple qui pourtant partage avec nous tant de valeurs d'humanisme et de culture ... mais qui se battait pour sa liberté.