C’est une belle réussite, bien qu’elle reste fragile : Swiss International Air Lines, construite sur les cendres de Swissair, a transporté l’année dernière 15,3 millions de passagers, chiffre supérieur au meilleur résultat de Swissair avant son effondrement. C’est un résultat hautement symbolique, incontestablement de grande valeur, qui prouve qu’un pays réputé cher, que tout oppose à un monde aérien de plus en plus low cost, peut tirer son épingle du jeu. Non sans difficultés.
De plus, Swiss confirme que les compagnies aériennes de dimensions moyennes ont encore un avenir, à condition de s’adosser à un groupe puissant, Lufthansa en l’occurrence, chef de file européen après application d’une impressionnante stratégie de croissance externe. Reste le fait que c’est difficile, très difficile, pour tout le monde, Swiss comprise.
Elle publie précisément des résultats 2011 en retrait et porteurs d’inquiétude, un chiffre d’affaires de 4,99 milliards de FS en progression de 3% seulement et un bénéfice opérationnel de 306 millions, en recul de 17%. Mais il y a pire : en isolant les données du quatrième trimestre, on découvre une chute du résultat de 87%, à 18 millions à peine. Il n’y a pas nécessairement péril en la demeure mais, de toute évidence, des mesures correctrices s’imposent, alors que le coefficient moyen des sièges atteint 81,8%, un bon niveau, encore qu’en léger recul. Swiss devra sans doute chercher à remonter sa recette unitaire moyenne, ce qui ne sera pas une tâche aisée, principalement en Europe, marché suisse compris, où EasyJet et ses congénères s’activent.
Les recettes sont «sous pression», reconnaît Harry Hohmeister, directeur général, ajoutant que «rien ne permet pour l’instant d’entrevoir une amélioration». Il faudra donc faire des économies, appliquer des mesures qualifiées de substantielles, renchérit Marcel Klaus, directeur financier. On se prend à raisonner comme on le faisait il y a 15 ou 20 ans, lorsque venait le moment d’examiner à la loupe les résultats de Swissair, unanimement reconnue comme compagnie de référence européenne. On ne saura jamais si elle le serait restée si n’était pas intervenu l’accident industriel qui avait carbonisé le SAirGroup. Mais on retrouve le même cheminement de pensée chez Swiss.
Son leitmotiv rappelle celui de cette époque révolue : «nous voulons devenir la meilleure compagnie aérienne d’Europe». D’où des efforts incessants d’amélioration de la qualité, de personnalisation du service, d’hospitalité à bord des avions, cela dans le cadre d’une politique groupe bien comprise qui permet le développement autonome de chacune de ses composantes. Dernier exemple en date, Swiss vient d’ouvrir une ligne directe Zurich-Pékin, sa vingt-cinquième destination intercontinentale, tout comme sa consoeur Brussels Airlines annonce pour bientôt un Bruxelles-New York.
Harry Hohmeister garde les pieds sur terre. Il constate que le marché aérien souffre d’une tendance à la surcapacité, la compagnie cherche à suivre au plus près l’évolution de la demande et à réagir au plus vite, en cas de nécessité. «Nous devrons passer notre structure tarifaire au peigne fin et envisager des augmentations de prix», dit-il avec franchise. A sa manière, un tel discours se veut rassurant, comme s’il s’agissait de respecter des règles fondamentales dont le transport aérien cherche trop souvent à s’affranchir. En clair, Swiss(air) est revenue.
Pierre Sparaco - AeroMorning