Lagunes trop bleues ce soir. Est-ce que parfois ta chevelure, qui a sillonné tant de blessures, parvient
à sceller le pacte d'autres corps ? Est-ce que parfois tes mains, courbées par tant de lamentations, cisèlent des rives que trop éblouies ? Dis-moi. Pourquoi est-ce que les lagunes sont trop bleues ce
soir ? Dis-moi. Pourquoi est-ce que la terre a dépossédé les ombres de leur magistère, celui du sang ?
Dis-moi. D’où viennent ces verbes qui puisent dans l'eau claire de la mousson les dérades des carnavals ? Dis-moi. D’où vient l'argile qui emplit les anfractuosités d'un cœur ? Dis-moi. Est-ce que parfois la nuit, oublieuse du remords, révoque les catacombes et réconcilie la mer à ses promesses ? Dis-moi. Dis-moi. Lagunes trop bleues ce soir. Je ne sais qu'en faire. Il faut sans doute décimer tout culte, qui n'est pas celui de ton souffle. Il faut sans doute abolir toute langue qui n’émane pas de tes lèvres. Il faut sans doute résilier toute œuvre qui n'est pas la souvenance de ta peau. Il faut sans doute déposséder toute lumière qui n'est pas des armatures de ton corps. Il faut sans doute briser tout filament dont l’énoncé n'est pas celui de tes traces. Mais dis-moi. Dis-moi. Pourquoi est-ce que les lagunes sont trop bleues ce soir ? Dis-moi.
Umar Timol.