Cap sur Vins "nature" en Nord...

Par Olif

C'est devenu un cliché tendance pour apprécier le vin "nature", il faut souvent passer le cap du nez. Un écueil loin d'être insoluble, lorsque l'on a envie de toucher au graal vinique avec sa langue, et d'autant moins compliqué à franchir que bon nombre de vins dits "nature" sont de plus en plus civilisés. La sélection de vignerons effectuée par Luc et Gilles Carpentier pour le salon de Séclin (59) ne va pas piocher parmi le vin "nature" le plus trash et réalise un judicieux mix entre quelques membres de l'AVN, des biodynamistes convaincus, des bios de la première heure, et d'autres vignerons, soucieux autant de leurs sols que de la viabilité économique de leur entreprise. Le tout, parrainé par Le vin de mes amis et, depuis deux éditions, associé au Blog d'Olif, ce qui est une joie et un honneur. Et aussi un plaisir, celui d'effectuer désormais rituellement, au printemps, la route jusqu'à Lille pour un grand moment de convivialité et de retrouvailles.

La route du Nord est parfois semée d'embûches. Bienvenue chez les Ch'tis, ceux qui ne font pas du ski, mais clapent de la langue au pied des terrils, s'est faite par étapes progressives. Cette année, la virée lilloise a nécessité un crochet par Colmar, mais pas pour se gondoler sur la Petite Venise, avant de passer par Nancy et une étape Rue de la Soif, à L'Échanson, haut lieu, aussi stimulant que bruyant, de la vie vinique lorraine. Un Bourgogne Épineuil 2010 de Nicolas Vauthier, servi en magnum et à l'aveugle, a trompé son monde, mais pas tous. Gamay (du Beaujolais), pineau d'Aunis (de Loire) ou pinot noir (d'Alsace), les supputations sont allées bon train, avant d'atterrir en Mâconnais, chez Julien Guillot. Encore perdu, mais plus conforme.

Garder le cap, c'est une obsession. Et puis le dépasser. Pour se rendre à Vins nature en Nord, à l'espace Napoléon de Seclin. Passer le cap du nez...

Cap Blanc-Nez, les mouettes piaillent en direction de l'Angleterre, ce qui n'empêchera pas le XV de France de marcher sur une épine.

Cap Gris-Nez, légèrement embrumé, légèrement enrhumé, mais sans excès. Cap passé, mais sans y être allé.

Cap Rouge-Nez, au salon de Séclin, mais avec modération évidemment, car si on a beaucoup goûté, on a aussi beaucoup craché. Des belles choses, évidemment. S'en souvenir et ne pas oublier les autres. Priorité aux Filles, une symphonie de Chignin-Bergeron 2010 chignée Gilles Berlioz.

Priorité aux filles toujours, avec Frédérique Barriol-Montès et ses 2004 du domaine de la Casenove, qui se goûtent à merveille, à l'image de cette cuvée Commandant Jaubert 100% syrah, dont une goutte a malheureusement dû tomber par terre, on la cherche encore. S'Arena est issue d'un accident climatique qui a donné naissance à un passerillage précoce de muscat sur souche. Caractère oxydatif, style vin de paille, belle fraicheur, sucrosité discrète, voilà un bien joli vin.

Priorité aux filles encore, avec un petit clin d'œil à Monsieur Mosse, le chouchou d'une grande partie de ces dames, "en plein boulot, avec sérieux et une certaine classe", qui produit des vins blancs à marquer au rouge fer, comme cet Anjou 2010 le Rouchefer, justement

Priorité aux filles, encore et toujours, avec les Bonichons 2010 de Philippe Peulet, du gamay 95C qui soutient bien la gorge, quand il y glisse avec volupté. Ce lieu-dit abritait naguère une maison entièrement dédiée aux nourrices, à qui l'on amenait la marmaille à téter, mais pas encore du gamay, il faut croire.

Priorité aux filles, avec Marie Lapierre, et ses toujours gouleyantes cuvées de Beaujolais. La prime à un épatant Morgon 2011, qu'il fallait se dépêcher de goûter pendant qu'il y en avait encore.

 Priorité aux filles, enfin, avec Hortense et Honorine, deux jolis sauvignons 2010, l'un de Touraine, l'autre de Ménetou-Salon, vinifiés par Albane et Bertrand Minchin, vigneron pragmatique et homme de convictions. Une gamme très cohérente, en blanc comme en rouge, et qui fait plaisir à boire.

Et puis tant d'autres, du Bandol La Tour du Bon d'Agnès Henry au Pomerol Gombaude-Guillot de Claire Laval, en passant par les bulles magiques de Delphine Richard, en Champagne. Même s'il n'y avait pas que des filles, à Séclin, certaines étaient accompagnées.

Le Salon Vins nature en Nord ne serait pas le même sans ses soirées d'exception, comme le grand repas vigneron qui s'est tenu à la Laiterie, et l'indispensable after de clôture à L'Huitrière, où le tandem Giboulaureau ne manque jamais de se distinguer, après avoir ingurgité une ou deux crêpes Suzette flambées.

Olif