...Les critiques tombent, aussi enthousiastes les unes que les autres sur le nouveau disque de Clémence Savelli...c'est avec joie que nous accueillons sur ce blog le point de vue de l'écrivaine Agnès Renaut sur l'un des plus beaux joyeux de chanson française de ces dix dernières années.
Agnès Renaut vit en région parisienne, elle est titulaire d'un DEA de Lettres Modernes et a publié une nouvelle dans la revue Encres vagabondes. Qu'as-tu fait de ta soeur(2000) fut son premier roman, émouvant sur le dessein tragique d'une petite fille obsédée par sa soeur cadette. Roman choc, roman couteau, roman poignant, aux mots simples comme des lames, une oeuvre qui reste dans la mémoire. Avec en arrière-fond le tableau d'une société pas simple, grise/bétonnée, constituée de gens qui pensent petit, souvent s'en rendre compte, les mêmes gens que parfois la Savelli chante avec distance et tendresse à la fois.
Un cri doux dans le vent : Clémence Savelli
Par Agnès Renaut
Elle chante comme un oiseau sorti d’une vague, avec un vent jeune et frémissant dans la voix… Avec une émotion à fleur de piano, des mots scintillants par leur précision de sens et leur force d’évocation – ce creuset poétique où le fond d’âme et de conscience s’accorde à la forme, en dire et tension de chant.
Elle joue les nuances entre jour et nuit, entre larmes, ombres de rage et esquisses de sourires, « à ne vous déplaire », « jusqu’à l’infini »… Elle bat des ailes et de ses chansons d’un sujet à l’autre, du sans abri (Léon, « t’as ton avenir tout seul »), de l’insoumission presque désespérée (Béton armé), au bord de la nostalgie (L’odeur des dimanches), elle crie la révolte ouvrière (Trois-huit) et traverse la vie d’une femme comme des milliers (Femme du siècle), elle parle d’amour (Novembre, Jeanne…) avec une buée dans la gorge et jusqu’à la douleur retenue dans le déchirement, le rêve d’un ami (L’Amitié), cet autre qui « devient la moitié d’une vie »…
Elle pousse son cri entre douce enfance et fureur du monde, elle convoque dans son sillage les gens d’avant dont la rumeur persiste, le vertige et la fureur de notre monde, elle interpelle les dures figures d’autorité et de mépris qui aujourd’hui brisent l’horizon…
Sans cesse, elle oscille entre un noir désespoir et la lumière d’une rive à caresser en ouvrant l’esprit et les bras. Ses variations sont infinies et son inspiration puise à mille sources.
Elle va faire son chemin, Clémence Savelli. Le piano l’accompagne avec la souplesse d’un danseur, en cascade et coulées évidentes. Avec « Un cri », on a envie de suivre ses traces de pas sur le sable, comme sur les si belles photos de son CD.
AR