Notre président candidat étant occupé à semer « un tapis de bombes » sous les pas de son concurrent socialiste, je pensais que son « collaborateur » serait vite submergé en retrouvant les tâches dont il avait été dépossédé. J’ai constaté au contraire que ce surcroît de travail ne l’avait pas empêché d’ajouter un nouveau métier à la palette de ses emplois, celui de docteur de la Loi. Nous avons pu en effet l’entendre le 5 mars déclarer que « on est dans un pays moderne » et affirmer ensuite, à l’intention, des juifs et musulmans : « Il y a des traditions qui sont des traditions ancestrales, qui ne correspondent plus à grand-chose ».
La première remarque que l’on puisse faire est que François Fillon ne répugne pas aux tautologies. Une tradition est en effet une pratique transmise de siècle en siècle et, le plus souvent au sein de la famille. Par nature, elle est donc ancestrale.
La seconde remarque que ces propos éclairés suscitent est qu’il n’appartient pas au premier ministre d’un pays laïque de se prononcer sur des points relatifs à la religion. De surcroît, la clique si largement répandue dans la sphère du pouvoir professe complaisamment que la France est un pays de tradition chrétienne. Cette tradition ne serait-elle pas elle aussi ancestrale ?
J’ai trouvé dans un dessin des Indégivrables publié par Xavier Gorce dans Le Monde un élément de réponse à cette question : « manger un petit bout du fils de Dieu le dimanche, ça, c’est moderne ! ». Monsieur Fillon essaie peut-être de célébrer la naissance d’une religion moderne. Lors du dernier repas du Christ, celui-ci dit en s’adressant à ses apôtres : « Buvez-en tous, car ceci est mon sang ». Et ceux-ci adhérent. Nous avons pu assister à la même révélation dimanche à Villepinte. Notre nouveau Messie prononce des paroles de vérité, radicalement à l’opposé d’autres paroles énoncées précédemment, et des milliers d’aveugles boivent ces mots et l’acclament frénétiquement.
Quand donc ouvriront-ils les yeux?