Les trois compères de la rue Vicq d'Azir, là où Belleville se voudrait presque bourgeoise, viennent de terminer le déjeuner. Il y a le boulanger, le patron du restaurant et le marchand de vins. D'ailleurs, aujourd'hui, le marchand de vins a apporté une fine bouteille ; ils fêtent la naissance de la petite du boulanger. Il fait chaud. Ils vont prendre la charette pour aller jusqu'à la mairie. La petite ne pourra pas tenir tout ce chemin au soleil. Pour l'instant, la petite, elle se repose avec sa mère. Sa mère ... Oh ! Sa mère .... Les yeux du boulanger se perdent. Elle est si jeune pour lui. Elle est parfois si dure aussi. Et comment serait elle avec les enfants s'il partait ? Et sa grande fille ? Son grand fils qu'il sait déjà si différent, et cette toute petite à la peau laiteuse et aux yeux transparents ... Il est temps de partir. La mère tient la petite contre elle. Arrivés au bureau de l'état civil, en haut des escaliers étroits, l'adjoint au maire, son insigne de chevalier de la légion d'honneur bien visible. L'adjoint trace rapidement la date et l'heure de naissance de la petite "chez ses parents", son prénom, les noms, prénoms de ses parents, "époux boulangers", les noms et prénoms deux deux témoins, le restaurateur et le marchand de vins. Et ils repartent. Le boulanger va terminer la fournée du soir. Le marchand de vins va repartir à Bercy. Le restaurateur préparera le menu du soir. Ils viennent juste de signer l'acte de naissance de Cécile, le tout début d'une existence. C'était celle de ma grand mère. Le 10 août 1908.