Partant du principe que l'obésité pose un problème éthique parce que le poids des uns coûte aux autres, Peter Singer interpelle sur le site Project-syndicate.org et intitule son dernier billet : "pesez plus, payez plus".
Observant la foule dans un aéroport, l'auteur part du postulat que lorsque vous avez un excédent de bagages, vous payez ; alors qu'une personne en surpoids, mais avec des bagages réglementaires ne paie rien de plus... Un économiste australien a observé une prise de poids d'en moyenne 2 kilos par passager depuis 2000 ce qui équivaut à une augmentation de la note de carburant de l'ordre de 472$ pour un Sydney-Londres, soit 1 million de dollars sur un an. Tony Webber, l'économiste en question propose de mettre en place un poids moyen en place : toute personne pesant plus paierait un extra sur son billet, tandis qu'une personne pesant moins aurait une réduction... L'auteur, même si son entourage clame que l'obésité est souvent quelque chose de subi par les personnes malades, estime que voyager n'étant pas un des droits de l'Homme, il s'agit ici uniquement pour chacun de payer le vrai prix de son billet. Par extension, l'auteur impute que l'obésité dans ce cas, impacte l'environnement avec des dépenses de carburants plus importantes ; il va même jusqu'à dire que cela coûte à la société parce qu'il faut repenser les transports publics et l'équipement des hôpitaux.
Finalement, il ne s'agit plus seulement de voyages mais du surcoût de l'obésité en matière de santé, chiffré aux Etats-Unis et au Canada à 127 milliards de dollars tandis que le manque de productivité lié également à l'obésité se monte à 115 milliards de dollars. D'après l'auteur, cela devrait encourager à avoir des politiques publiques qui découragent la prise de poids, comme une taxe sur les sodas par exemple (bonjour la nouveauté ;) ). Une telle taxe pourrait d'une part, contribuer à couvrir une partie des surcoûts engendrés par l'obésité et d'autre part, décourager les personnes à mal s'alimenter... (si cela était aussi simple, cela se saurait).
Il conclut sur le fait que, finalement, le poids de chacun concerne tout le monde vu l'impact que cela a sur la planète.
Ce qui me gêne dans cet article est que l'analyse est juste froide, très peu argumentée et ne propose pas de solution : en faisant payer à des personnes qui subissent déjà un préjudice le résultat de celui-ci, on arrive à un principe de "double peine". Que dire justement des Etats qui n'ont pas su réagir depuis les premiers signes de l'épidémie, il y a de cela plus de 20 ans ? N'est-ce pas à eux d'être incriminés pour "non assistance à population en danger" ? Et que dire des sociétés qui produisent ces aliments "sans valeur nutritionnelle" mais qui sont addictifs ? Pourquoi ne serait-ce pas à eux d'être taxés, justement pour contrebalancer l'effet néfaste qu'ils ont sur l'environnement sanitaire ?
L'équation posée par Peter Singer, par ailleurs professeur de bioéthique à Princeton, est un peu trop simpliste à mon goût, même si en valeur absolue elle semble juste : traiter les personnes au cas par cas, payer pour ce que l'on consomme et pas plus, ... tout cela semble parfaitement équitable ; mais il faut remettre les pièces du puzzle dans l'ordre avant d'être aussi froidement mathématiques.
Ainsi, Rhonda Anderson, de l'université de technologie de Queensland, a analysé le sentiment d'efficacité personnelle et les comportements de contrôle du poids chez 560 femmes âgées entre 51 à 66 ans. Les deux tiers d'entre elles étaient en surpoids ou obèses : les plus concernées par un excès de poids étaient les moins persuadées de pouvoir persévérer dans un effort de contrôle. Mais parce qu'il est possible d'améliorer son sentiment d'efficacité en développant ses compétences (en s'informant par exemple), en ayant des modèles et des encouragements, cette chercheuse conclut : "Les femmes ont besoin de plus d'informations et de support pour réussir à améliorer leur santé et perdre du poids". [merci à Psychomedia pour cette info]
De plus, il devient de plus en plus difficile de s'alimenter correctement entre les contraintes budgétaires, les messages qui semblent parfois contradictoires et la manipulation dont nous sommes l'objet dans nos assiettes comme le révèle cette enquête diffusée sur France 5.
Il y a donc un effort partagé à réaliser entre les différents acteurs concernés afin d'offrir des actions cohérentes et qui vont dans le sens d'une vraie prise de conscience des origines de l'épidémie afin de proposer des plans qui font sens et qui permettent d'avoir un impact concret, mesurable et à long terme. Et il faut dans le même temps, mieux informer, former et éduquer l'ensemble de la population afin qu'elle dispose à la fois des fondamentaux concernant sa santé mais également d'outils lui permettant de ne pas la mettre en danger. C'est tout le sens de notre action au niveau de l'Observatoire de l'Obésité (ObObs).