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Kader Attia en équilibre

Publié le 15 mars 2012 par Marc Lenot
Kader Attia en équilibre

Kader Attia, Sans titre (blocs de béton), 2008

Le travail de Kader Attia me semble toujours être dans un équilibre fragile, entre des oeuvres fortes et denses et d'autres trop prévisibles, basculant trop facilement dans l'anecdote et le futile, et je suis toujours plutôt ambivalent avec son travail. A la Galleria Continua à San Gimignano jusqu'au 31 mars, on navigue ainsi sur le fil du rasoir : accueilli par cette masse de cercles concentriques de blocs de béton en équilibre, empilés sans fin ni début, sans issue, on se trouve pris dans un tourbillon désespérant, même pas une spirale d'où on pourrait s'échapper, mais les cercles du monde, ou de l'enfer. Roches carrées était le nom d'une plage algéroise d'où des

Kader Attia en équilibre

Kader Attia, Révolution, 2012

candidats à l"émigration tentaient d'atteindre à la nage des bateaux en partance vers l'Europe : on l'a cimentée, transformée en digue d'où toute échappée est impossible, comme une prison virtuelle, une frontière infranchissable. Mais on peut aussi évoquer les pèlerins tournant autour de la Kaaba sans jamais l'atteindre.

Tout aussi forte est l'inscription presque invisible sur le mur : "Résister, c'est rester invisible", hommage à la

Kader Attia en équilibre

Kader Attia, Révolution, 2012

clandestinité, à la marginalité, quelque peu aux antipodes du militantisme actuel, là-bas autant qu'ici, mais bon... De même, quand Attia écrit Révolution sur un mur, ce n'est qu'un slogan à l'eau sur du papier kraft, qui va s'évaporer en quelques minutes, ne laissant qu'une froissure illisible. Rien ou presque ne subsiste, rien ne persiste, l'artiste ne va pas changer le monde, la trace de son acte devient imperceptible. Si ces pièces-ci expriment avec force un message quelque peu désabusé, on se retrouve sans voix devant la vidéo où il écrit avec le doigt Vide et eau sur la buée d'une fenêtre, pièce bien creuse, basculant justement du côté du spectacle, du dérisoire, de l'effet.

Kader Attia en équilibre

Kader Attia, Mimétisme, 2011

La pièce la plus impressionnante de l'exposition (et qui rachète à elle seule les dos de miroirs trop convenus et les trompe-l'oeil trop distrayants) est sans contexte Mimétisme, une simple feuille de plomb malléable posée sur un socle que chacun peut manipuler et déformer, autant de formes que de spectateurs, que d'expériences, une sculpture infinie en harmonie avec la citation de Lao Tseu : "L'homme crée des choses, mais c'est le vide qui leur donne sens". C'est sans doute dans ces pièces légères et denses que Kader Attia me touche le plus.

Kader Attia en équilibre

Kader Attia, Inspiration / Conversation, 2010

De manière plus directe, mais non moins subtile, la double vidéo Inspiration / Conversation est un dialogue entre deux personnages, l'un puis l'autre soufflant à tour de rôle dans une banale bouteille de plastique, lui impulsant un rythme doux ou frénétique, implorant ou jouisseur, drôle ou tragique; il faut dépasser le discours banal sur l'eau et le recyclage et se laisser porter par la scansion de ces respirations, à en perdre le souffle.

Le reste de la galerie est consacré à l'artiste cubain Carlos Garaicoa, aux pièces un peu trop évidemment sémantiques pour mon goût : signes urbains, pins et marques de relieurs détournées.

Photos 1, 2 & 3 Courtoisie GALLERIA CONTINUA, San Gimignano / Beijing / Le Moulin, de Michele Alberto Sereni :
Sans titre (blocs de béton), 2008, blocs de béton, Ø 396 cm.
Révolution, 2012, papier recyclé, performance vidéo, moniteur, balai et seau, dimensions variables (papier : 250 x 400 cm).
Photos 4 & 5 de l’auteur :
Mimétisme, 2011, plomb, environ 25 x 18 x 15 cm. 
Inspiration / Conversation, 2010, installation vidéo en diptyque, deux vidéos en boucle de 13’55’’ chacune.
Kader Attia étant représenté par l'ADAGP, les photos de ses oeuvres seront ôtées du blog au bout d'un mois. 


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