« Soylent Green », film américain de 1973

Publié le 15 mars 2012 par Simplicitevolontaire

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Soylent Green

Les années 1966-1971 constituent un véritable âge d'or du cinéma, où sortent successivement 5 films majeurs d’anticipation en tout juste 5 ans : « Fahrenheit 451 » de Truffaut, « 2001 l'Odyssée de l'espace » de Kubrick, « La Planète des Singes » de Schaffner, « THX 1138 » de Lucas, et enfin « Orange mécanique » de Kubrick à nouveau.

«Soylent Green » est comme le petit dernier de la famille, le moins connu. Pourtant, ce film de 1973 est intéressant à plus d’un titre. Son contexte de sortie est très particulier, après une série d'événements historiques qui vont changer à jamais notre vision du monde : publication du rapport Meadows en 1972 (du Club de Rome), premières victoires contre la pollution (DDT interdit aux US en 1972), premier choc pétrolier en 1973.

L'affiche annonce d'emblée la couleur : « C'est l'année 2022... Les hommes sont toujours pareils. Ils feraient n'importe quoi pour obtenir ce qu'ils veulent. Et ils veulent du Soylent Vert ». Quelle clairvoyance dans ces quelques mots ! A méditer...

Autant le dire d'entrée de jeu : l'intrigue policière du film n'a vraiment aucun intérêt. Il est aussi fort regrettable que le secret final puisse être éventé dès la 30e minute (le fameux et détourné « Soylent Green IS people ! »).

Ce film mérite malgré tout d'être regardé, car il contient quelques images « chocs », qui valent chacune leur pesant de cacahuètes. On peut ainsi visualiser ce que pourrait donner notre système actuel, arrivé au terme de sa logique. Que se passerait-il si nous n'arrivions pas à stabiliser la population, à nous adapter à l'épuisement des ressources naturelles, à réduire les pollutions ? Regardez ce film, et vous verrez ! Et si une image vaut des milliers de mots, alors ce film vaut bien les 97min que vous lui consacrerez.

Surpopulation ? En 2022, les gens dorment dans les escaliers, les couloirs, les sorties incendies. Avoir un petit appartement privé, c’est déjà un immense privilège. Les entrées d'immeubles sont gardées par des civils armés. La nuit, c'est couvre-feu pour tous…sauf les flics !

Ressources épuisées ? En 2022, la nourriture « naturelle » a pratiquement disparu. Les humains survivent grâce à des tablettes synthétiques, sans saveur ni odeur, le fameux « Soylent ». Celles-ci viennent à manquer, et c'est l'émeute. Ces dernières sont réprimées dans le sang. De gigantesques pelleteuses sont utilisées pour contrôler la foule. Elles avalent les hommes, capturés au hasard par leurs mâchoires d’acier. Leurs corps sont amenés vers des destinations inconnues.

Dérèglement climatique ? En 2022, une étrange lumière jaune baigne imprègne la ville. La pollution à détruit la majorité des terres cultivables. A New-York, c'est la canicule permanente. Les gens n'ont jamais vu une forêt, la montagne, la nature sauvage. Le héro est estomaqués par des images type Discovery Channel lors de la scène anthologique de l'euthanasie.

A cela s'ajoute une ségrégation sociale exacerbée : 50% de chômeurs survivant avec peine dans la rue, une police omniprésente et omnipotente, des élites privilégiées et corrompues, et enfin la multinationale « Soylent », source de nourriture, et par là au sommet. Cela ne vous rappelle rien ??

Il y a encore d'autres idées, originales, et qui résonnent jusqu'à aujourd'hui. Ainsi du traitement des femmes.

En 2022, les femmes sont des « meubles » (« furniture » en VO) et équipent les appartements réservés à l'élite. Traitées comme des meubles et appelées comme tels, elles sont à chaque changement de locataire à la merci d'être refusée, comme on change le canapé en arrivant. En ces temps où le porno a fini de conquérir les imaginaires, jusqu'à s'engouffrer dans l'hyper-sexualisation des petites filles, les femmes-objets de Soylent Green sont un ultime exemple de la marchandisation du féminin.

Un film à l’intrigue pauvre, mais au visuel riche.