Jacques Attali a affirmé
son soutien à François Hollande, rien de surprenant, même si cela fait
longtemps qu’Attali n’est plus considéré par quiconque comme un homme de gauche
du moins si on s’en tient à la définition qu’on en donne en France.
Etonnement, car inhabituel de la part de quelqu’un qui a l’habitude de manier
assez brillamment les concepts, à la lecture de l’édito paru dans l’Express et
sur Slate.fr
et intitulé « Pourquoi je choisis François Hollande » on ne
trouve aucun argument vraiment convainquant.
Attali commence par exprimer ce qu’il reproche à Sarkozy, je cite la phrase
in extenso :
« Pour moi, le bilan du président sortant n'établit pas sa crédibilité pour l'avenir, car il n'a rien fait de significatif pour diminuer la dette publique, réformer l'Etat, réduire les privilèges, moderniser la fiscalité, former les chômeurs: s'il l'avait fait, la France aurait encore son triple A, notre chômage serait aussi faible que celui des Pays-Bas, notre jeunesse n'irait pas chercher fortune ailleurs, les talents et les capitaux étrangers se précipiteraient vers l'Hexagone. »
Le verdict est sans appel, mais il est pour le moins malhonnête car
excessif. Certes Sarkozy a fait des erreurs, et notamment de ne pas avoir fait
sa priorité de la réduction des déficits, mais laisser entendre que s’il avait
fait quelque chose de « significatif » pour
« diminuer la dette publique, réformer l'Etat, réduire les privilèges,
moderniser la fiscalité, former les chômeurs », la France serait dans une
santé resplendissante, est trop facile.
C’est, d’une part, faire fi de la crise financière qui a bien contribué à
plomber les comptes et surtout c’est extrêmement simpliste. C’est reprocher, à
postériori, à Sarkozy de ne pas avoir fait les miracles qui nous auraient
permis d’inverser une tendance trentenaire largement entretenue par les
gouvernements précédents de droite comme de gauche.
Certes s’il les avait fait ces miracles, on irait mieux, mais gageons que
n’importe qui aurait été à sa place, eut mérité la même critique.
Mais là ou on sent qu’Attali lui-même peine à trouver les bons arguments
pour justifier son choix, c’est lorsqu’il précise pourquoi Hollande ferait un
meilleur président de la république :
« Alors que François Hollande, lui, au moins dans son programme, fait
explicitement du dialogue social, du partage juste des efforts et de la lutte
contre toutes les formes de précarité, l'essentiel de sa méthode de
gouvernement, de sa réforme fiscale et de sa politique européenne. En
s'appuyant sur des élus locaux ayant prouvé, dans tout le pays, leurs
compétences et leurs capacités à appliquer ces principes. Au total, ce
n'est donc pas seulement parce que François Hollande incarne les valeurs
auxquelles je me suis toujours référé que je le choisis. C'est aussi parce que
la justice sociale sera la condition de l'acceptabilité des réformes. Et que
j'ai confiance en lui pour y veiller. »
Attali ne dit pas : Je préfère le projet de Hollande à celui de
Sarkozy, ni même que Hollande apportera de meilleures solutions que Sarkozy,
mais uniquement que les réformes que Hollande fera, seront mieux acceptées car
empreintes de justice sociale !
Rien sur le projet de Hollande, rien sur sa compétence, rien sur sa capacité à
prendre les bonnes décisions !
Qu’elles soient bonnes ou mauvaises importe manifestement peu, l’essentiel
c’est qu’elles soient acceptées !
Bien entendu, et c’est ce que Sarkozy n’a jamais su faire, il faut tout
faire pour faire adhérer la population à ses réformes, mais pour autant cela ne
peut pas suffire. Le prochain président de la république n’aura pas le droit à
l’erreur. De plus, il faudra qu’il ait le courage de passer outre l’avis de la
population sans vouloir systématiquement requérir le consensus, au risque de
l’immobilisme. Il suffit de se souvenir de la longue période pendant laquelle
Hollande était à la tête du PS, au cours de laquelle le PS s’est bien
empoussiéré.
Bien involontairement, Attali confirme ce que révèlent différentes enquêtes,
que Hollande est pour beaucoup un choix par défaut. Il confirme également ce
que la majorité des français pensent également, c'est-à-dire que le projet
économique de Hollande n’est
pas crédible.
Enfin, il confirme, qu’à non-projets équivalents, beaucoup préfèrent
Hollande à Sarkozy pour les valeurs qu’il semble incarner.
Un autre édito
d’Attali est dans la même veine, il concerne la proposition de Hollande de
taxer les très hauts revenus à 75%.
Attali, qualifie cette proposition de « à la fois totalement
impraticable et extrêmement utile » !!!!...étonnant, non ?
Encore plus étonnant est son raisonnement qui semble bien confirmer que tout
à son action militante, Attali perd tout sens critique.
Selon lui, cette proposition serait utile par le symbole qu’elle véhicule,
parce que, dit-il, « cette proposition révèle que, en raison de l'extrême
gravité de la situation des finances publiques françaises, tout le monde devra
être massivement mis à contribution » !!!...on rêve, Hollande dit qu’il va
surtaxer les « riches » et Attali traduit cela par « tout le
monde devra être massivement mis à contribution » !
Eh bien justement, non !
C’est même tout à fait le contraire, Hollande se garde bien de dire que tout
le monde devra être massivement mis à contribution ! Au contraire, il
véhicule l’idée électoralement très porteuse qu’il suffira de taxer les riches
et de mettre en oeuvre quelques mesures d’appoint pour sortir la France de
l’ornière.
Décidément, pas brillant l’Attali lorsqu’il s’agit de soutenir son poulain, c’est un soutien laborieux qu’il lui apporte, c’est à croire qu’il le fait plus par devoir que par conviction.