Depuis quelques années, nous avons vu apparaître un certain nombre de journaux gratuits. Cette innovation présente au premier abord certains aspects positifs. Elle peut amener des personnes qui n’achetaient pas de quotidien à prendre connaissance de l’actualité à travers la presse écrite. Lorsque ces mêmes personnes utilisent des transports en commun, elle est susceptible de leur permettre d’utiliser le temps ainsi consommé à une activité supportant la comparaison avec la lecture de livres, les jeux sur une console ou sur un téléphone, ou des grilles de mots croisés.
Mais elle a des conséquences moins satisfaisantes. La gratuité de tels supports peut conduire des lecteurs de la presse payante à l’abandonner pour se limiter à un journal gratuit. D’autre part, ces quotidiens étant financés par la publicité, le volume ainsi capté peut être soustrait à d’autres supports, parmi lesquels la presse payante. J’ai déjà entendu Jean-François Kahn formuler l’hypothèse suivante : supposons qu’une entreprise fabriquant du pain se mette à le distribuer gratuitement. Très rapidement, on verrait le syndicat de la boulangerie s’émouvoir et réussir à faire condamner cette pratique pour concurrence anormale.
Si ces journaux continuent, sinon à prospérer, du moins à vivre, c’est que cette pratique est tout sauf innocente. Il s’agit d’encadrer l’information et de se livrer à la glorification du pouvoir en place, de façon d’autant plus perverse que, à la différence de la presse payante, aucune couleur politique n’est affichée.
J’en ai eu une preuve éclatante ce lundi matin, au lendemain du meeting de Villepinte où l’on a pu assister à la multiplication, non pas du pain, mais des participants enthousiastes qui réussirent paraît-il à se regrouper à 70000 dans une salle de 35000 sièges ! J’ai aperçu dans le Direct Matin de mon voisin de métro ce titre saisissant : « La relance par l’Europe ». J’enai eu le souffle coupé. Il faut, ou bien tout ignorer de notre langue, ou bien être pourvu d’un culot et d’une mauvaise foi sans borne, pour oser proférer un tel mensonge. Le seul titre qui convenait était plutôt : « La relance contre l’Europe ».
Note : les prépositions par et contre ont été mises en évidence par mes soins.