Paru en 1915, ce premier récit nous plonge avec délicatesse dans le journal intime d'un enfant qui tombe amoureux d'une jeune femme, Anjelica. La belle ne prend pas ses marques d'affection au sérieux, puis s'éloigne de lui avec froideur quand il devient par trop insistant, puis malade.
Le texte est touchant parce qu'il relate avec une naïveté désarmante les étapes progressives d'un amour impossible éprouvé par un être bien trop immature et qui se terre dans une solitude sans fond, repoussé par ses frères, détesté par se grand mère et étouffé par sa mère et son étrange culpabilité.
L'amoureux transi deviendra jaloux, perdra l'appétit, aura des maux de tête, puis perdra le sommeil pour à la fin s'enfoncer définitivement dans la folie.
Cette histoire est à découvrir, tant pour ce qu'elle raconte que pour la manière dont elle est écrite et construite. On y trouve quelques beaux passages :
"Un cahier, m'a-t-il expliqué, où certains écrivent tous les jours ce qui leur arrive, car il y a parfois des choses dont on ne peut parler à personne." Je lui ai dit que c'était juste et que ces choses là, celles dont on avait le plus envie de parler, étaient les plus importantes, et que l'on ne pouvait malheureusement, comme il le dosait, les confier à personne."
"Elle s'est moquée de moi, quand ils lui ont raconté que je battais des paupières en copiant Anjélica J'ai été tellement humilié que j'en ai encore mal à la tête. Je comprends maintenant pourquoi on dit que quelqu'un peut mourir de rage. Le pire, c'est que je ne pourrai plus battre des paupières. Et c'est si joli ; les yeux semblent si vifs, si joyeux, comme les siens, comme elle même, qu'on dirait que tout son corps jette de la lumière."
"Les grands disent que tout ce qu'ils font, c'est pour notre bien, mais en fait ils ne savent que nous décourager. Maman dit qu'ils font ça pour que nous soyons heureux quand nous serons grands; mais, d'autres fois, elle dit que les grands ne peuvent jamais être heureux et que le bonheur ne dure que le temps de l'enfance. Après ça, essayez de comprendre..."
..."et maman a déchiré mes petits livres ... Quel malheur ! je les aimais parce qu'ils me faisaient penser très clairement, comme quand je rêve, je parle et ils me répondent, et il me semble que je suis grand et que je me suis marié avec Anjelica ; et puis j'apprenais beaucoup de mots dans mes histoires, et à mettre les points, et les virgules....C'est terrible qu'elles m'aient supprimé mes histoires parce que tout cela me servait pour écrire mon journal."
"Pauvre laid" est moins poignant bien qu'il évoque également la douleur d'un amour impossible. Un jeune homme aux traits ingrats pour ne pas dire très disgracieux devient la risée d'un groupe de gais lurons dans une pension de famille. Il s'éprend d'une jeune fille et son amour est très vite la risée des uns et des autres.
Cette nouvelle relate avec art et légèreté un épisode de la cruauté banale et quotidienne qui s'abat sur les êtres différents, et elle nous laisse avec un goût amer après la lecture.
Pascale Arguedas le présente sur Calou, l'ivre de lecture.
On la retrouve pour une jolie critique sur Club des rats de biblio-net.
"des passages saisissants de réalisme et de souffrance" nous dit Sahkti sur Critiques Libres.