Présentation de l'éditeur
Sôseki écrivit pour un journal le feuilleton de ses Petits contes de printemps en 1909. Au mois de mai de la même année paraissait Sanshirô. Sôseki est alors âgé de quarante-trois ans. Le titre même qu'il donne à ces très courts textes, fragments de journal intime entre un 1er janvier et un 12 mars, donne au lecteur une idée de l'ensemble du recueil même si la tonalité de chacun est différente, tantôt intime et familière, tantôt d'une drôlerie délicate, étrange, ou encore empreinte de nostalgie : Jour de l'an, Le brasero, L'odeur du passé, La tombe du chat, Brouillard... Il donne à voir le temps qui passe, la douceur d'un soir de neige ou la beauté des flammes. Une façon de lire l'impermanence des choses. Sôseki mettait en garde son lecteur dans un livre plus tardif, À travers la vitre : " Je vais aborder des sujets si ténus que je dois bien être le seul à m'y intéresser. "
"J'ai posé la serviette de bain humide sur la rambarde de la fenêtre du premier étage et j'ai regardé la rue en bas pleine de rayons du soleil printanier.
La tête couverte d'un capuchon, une barbe blanche peu fournie, un raccommodeur de socques franchissait justement la haie. Il a attaché un vieux tambourin à une palanche et il frappe dessus à l'aide d'une palette en bambou, mais le bruit, pourtant sonore, manque de vigueur, comme un souvenir affleurant soudain à la mémoire.
Arrivé près du portail de la maison du médecin, de l'autre côté de la rue, le vieux a donné un coup sur son tambour, qui résonne à nouveau dans l'air printanier avec un son mât.
Alors, du feuillage d'un prunier tout blanc qui étend ses branches fleuries au-dessus de sa tête, un oiseau s'envola."
SOSEKI Natsumé "Petits contes de printemps"
Hiroshige Utagawa "Jardin de pruniers à Kameido" (série "Huit vues des environs d'Edo")