Je n’arrive jamais à la fin de ma phrase. La phrase est dite jusqu’au bout mais c’est moi qui ai disparu entre temps.
En tant que sujet écrivant, elle se place dans une dialectique d’apparition-disparition comme elle situe ses objets d’exploration au bord de l’évanouissement : silhouettes, ralentis corporels, mirages.
L’air passe à travers le mot Farnese comme à travers la chevelure d’une femme qui marche de dos. Elle ne se retourne pas exprès pour ne pas devenir quelqu’un…. Ne devient personne exprès pour consister en tant qu’exquise, pure et parfaite figure de style.
L’énoncé compte plus que l’objet, il le contient, l’enveloppe. Tout devient prétexte à expression désirante, perdue, quittée, retrouvée :
….il se dresse dans la résolution négative de son être, ne contredisant rien à la grammaire, au contraire l’élisant comme son plus vif milieu de subsistance, de déplacement et de prédation.
Ce il dressé est-il viril et sexuellement déterminé, ou simple amant virtuel et point d’ancrage pour le poème ? Nous ne sommes pas face à une théorie ou à une pratique, mais dans un agir, une relance, un happening déconcertant. Poésie en mouvement de salto, élégante et sophistiquée l’air de rien, en mouvement de panique ou de contrôle comme on le ressent juste avant une histoire amour, poésie plus féminine que féministe, dépassant les antinomies du masculin et du féminin. Elle transcende aussi le clivage binaire, infantile, qui consiste à opposer systématiquement littéralisme et lyrisme, expérimentation et classicisme.
Comme celle de Stéphane Bouquet, cette écriture s’inscrit dans le vagabondage amoureux, affectif, sensible, sans céder au ridicule de la subjectivité ou de l’ego hypertrophié. Elle repose sur une dynamique singulière, revivifie la poésie, et pour cette raison, est absolument moderne.
[Véronique Pittolo]
Cécile Mainardi, Rose activité mortelle, Flammarion.