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Rose activité mortelle de Cécile Mainardi (par Véronique Pittolo)

Par Florence Trocmé

MainardiLa poésie du désir est rare aujourd’hui. La lyrique amoureuse renvoie à une notion désuète, grave, où les sentiments sont pris au sérieux. Selon la définition académique, il s’agirait de l’aveu de sentiments personnels, nostalgiques, qui évoquent fuite du temps. Rien de tel dans les livres de Cécile Mainardi où la saveur du langage et la volupté du désir ne font qu’un. Si son écriture est lyrique en révélant des jeux de sonorités, des procédés de comparaison, des figures d’insistance ou d’atténuation, nous sommes dans l’allégresse plutôt que la nostalgie. La langue du poème irradie comme la langue du corps touche, effleure, emporte. Poésie de la distance et de la proximité, du fantasme et du réel, du tourbillon anachronique et de la perte de repères, poésie, pourrait-on dire, de l’apesanteur. Des variations sur La blondeur à L’eau superliquide, sa manière d’oxygéner le poème agit comme une mise en éveil permanente, une électricité. Ce n’est pas la poétesse qui est blonde, ni l’homme ou le mâle incertain dans son apparition, non, il s’agit plutôt d’une blondeur conceptuelle, heideggérienne, qui se déploie comme une essence, une éclaircie de l’être. Ainsi le poème, ou la page en prose finement calibrée, baigne dans la lumière d’une ouverture, d’une prise de conscience joyeuse, lucide, ludique. Le lyrisme est vif, si par lyrisme on entend l’évocation d’une perturbation (amoureuse, sismique, visuelle). Modernisé et blanchi à la chaux, il est renouvelé comme genre. 
 
Je n’arrive jamais à la fin de ma phrase. La phrase est dite jusqu’au bout mais c’est moi qui ai disparu entre temps.  
 
En tant que sujet écrivant, elle se place dans une dialectique d’apparition-disparition comme elle situe ses objets d’exploration au bord de l’évanouissement : silhouettes, ralentis corporels, mirages.  
 
L’air passe à travers le mot Farnese comme à travers la chevelure d’une femme qui marche de dos. Elle ne se retourne pas exprès pour ne pas devenir quelqu’un…. Ne devient personne exprès pour consister en tant qu’exquise, pure et parfaite figure de style.  
 
L’énoncé compte plus que l’objet, il le contient, l’enveloppe. Tout devient prétexte à expression désirante, perdue, quittée, retrouvée : 
 
….il se dresse dans la résolution négative de son être, ne contredisant rien à la grammaire, au contraire l’élisant comme son plus vif milieu de subsistance, de déplacement et de prédation.  
 
Ce il dressé est-il viril et sexuellement déterminé, ou simple amant virtuel et point d’ancrage pour le poème ? Nous ne sommes pas face à une théorie ou à une pratique, mais dans un agir, une relance, un happening déconcertant. Poésie en mouvement de salto, élégante et sophistiquée l’air de rien, en mouvement de panique ou de contrôle comme on le ressent juste avant une histoire amour, poésie plus féminine que féministe, dépassant les antinomies du masculin et du féminin. Elle transcende aussi le clivage binaire, infantile, qui consiste à opposer systématiquement littéralisme et lyrisme, expérimentation et classicisme. 
Comme celle de Stéphane Bouquet, cette écriture s’inscrit dans le vagabondage amoureux, affectif, sensible, sans céder au ridicule de la subjectivité ou de l’ego hypertrophié. Elle repose sur une dynamique singulière, revivifie la poésie, et pour cette raison, est absolument moderne. 
 
 
[Véronique Pittolo] 
 
 
Cécile Mainardi, Rose activité mortelle, Flammarion. 


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