Après le séisme “Free Mobile”, Bouygues Telecom a été particulièrement remarqué pour la qualité de sa gestion de la crise. Avec des statuts mythique comme “J’ai repris un Pepito, c’est mal ou je peux ?” et une page Facebook à son effigie, Mylène a voulu recueillir ses paroles sacrées.
1/ Peux-tu tout d’abord te présenter ?
Je suis Tanguy, j’ai 38 ans et je suis responsable du web social chez Bouygues Telecom. Je travaille chez Bouygues Telecom depuis 14 ans dans différentes fonctions communications, je connais donc bien mon entreprise ;) Avec mon équipe, une équipe de conseillers de clientèle située à Bordeaux et notre communauté d’experts maison les Woobees, nous intervenons quotidiennement sur notre page Facebook, notre fil Twitter et notre forum.
2/ Avec la “crise” liée à l’arrivée de Free sur le marché de la téléphonie mobile, tu expliques être passé d’une centaine de questions par jour sur la page BT à environ 5000. Comment ton équipe a-t-elle procédé pour gérer tout ça ? Comment vous êtes vous organisés ?
Pas mal d’implication. On a réorganisé complètement nos journées de travail et mis pas mal de projets en stand-by pour nous concentrer sur l’activité du mur et répondre à un maximum de nos clients. Impossible de répondre à tous, mais l’idée était de montrer un maximum de présence pour rappeler que même en cas de tempête, la relation client chez Bouygues Telecom ce n’est pas juste un slogan publicitaire. Pendant ces quelques semaines, personne n’a compté ses heures.
3/ Contrairement aux autres opérateurs, la stratégie de Bouygues, saluée d’ailleurs dans le monde des CM, a été de garder la page ouverte et de répondre personnellement aux questions. Tu as choisi d’y répondre sous ton identité “Tanguy” plutôt qu’en tant que page.
Tout d’abord est-ce que cette stratégie est une initiative personnelle ou est-elle liée à une réflexion commune du département communication de BT ? Et pourquoi ce choix d’une réponse via un “personas” ?
En fait, c’est notre mode de fonctionnement depuis la création de cette page, pas seulement en période de crise. L’équipe répond en tant que page au nom de la marque, mais chacun signe de son prénom. Au-delà du fait que ça rend le contact plus humain et plus facile, cela permet à chacun de porter les couleurs de l’entreprise et cela donne du sent à tout ce qu’on fait. Bouygues Telecom ce n’est pas une marque froide du CAC 40, c’est 9.800 collaborateurs chacun experts dans leur domaine mais avec une ambition commune, apporter la meilleure qualité à nos clients. Si c’est la marque qui parle, cela peut passer pour une simple posture, si chacun signe ses posts, cela rappelle que nous sommes tous porteurs des ambitions et des valeurs de l’entreprise. Pas de grande réflexion derrière tout ça, on a affiné la façon de répondre au fur et à mesure et puis elle s’est imposée naturellement parce qu’elle nous ressemble. Quand vous rentrez dans un Club Bouygues Telecom ou que vous appelez votre service client c’est à Bouygues Telecom que vous souhaitez parler et c’est Christophe, Lisa, Audrey, Jean-Frédéric, Manu… qui vous répondent pour Bouygues Telecom. On a simplement gardé la même démarche parce que c’est celle qui prouve le mieux que chez Bouygues Telecom les gens comptent : nos collaborateurs, comme nos clients.
4/ Comment expliques-tu les réactions négatives à la publication sur la page BT de l’article “Non vous n’êtes pas des pigeons” qui s’est révélé quelque peu contre-productif ? T’attendais-tu a une telle virulence ?
Vrai débat ! Cet article est à la fois notre record absolu de « J’aime » et de commentaires négatifs. Avec du recul, je continue de penser que c’était un passage obligé et que c’est grâce à lui que notre page a pu devenir le lieu du débat pour tous ceux qui avaient envie de parler de téléphonie mobile pendant les semaines qui ont suivi. La violence était déjà là depuis une bonne semaine, avant même le lancement officiel de notre nouveau concurrent. Quand le mécontentement déborde, il faut le laisser s’exprimer avant de pouvoir reprendre la parole et animer un débat sereinement, cet article nous a permis de le canaliser. Pendant cette période, nous avons reçu de nombreux témoignages de fans, clients ou non en message privé pour nous remercier de cette posture, cela contrebalançait un peu ces commentaires négatifs. Et si cette page est avant tout celle de nos fans, c’est aussi la nôtre, nous voulions montrer que nous avions bien l’intention de garder notre liberté de parole, hors de question de se faire museler par un bad buzz savamment organisé, sincèrement je pense que la stratégie a payé. Enfin cet article a été un remarquable ciment pour l’interne et a donné de l’énergie à tout le monde.
5/ Penses-tu que la stratégie social media de Bouygues a pu avoir un impact sur la vague de désabonnement en aidant à “limiter les dégâts” ?
Difficile à dire d’un strict point de vue commercial, mais elle a indéniablement permis de pacifier le débat et de permettre aux arguments de chacun de vivre. Quel prix suis-je prêt à payer, quelle qualité de service demander à son opérateur, est-ce qu’un réseau de magasins ça compte, est-ce qu’un service client ça compte ? Au final d’un côté les offres full web à bas coûts donc bas prix et un rôle très fort du communautaire comme B&YOU et de l’autre côté le service Bouygues Telecom. Ensuite les consommateurs sont assez mûrs pour choisir ce qui leur convient le mieux, le tout est de leur donner la possibilité d’en parler sereinement.
6/ Il y a pas mal d’intervenants sur le compte (Vanessa, Yannick, Harold, Sophie…). Est-ce que tu te considères davantage comme un Community Evangelist que comme un Community Manager ?
C’est parce qu’avec mon équipe située à la Direction Internet nous avons défriché quelques mois seuls avant d’avoir la chance incroyable de pouvoir emmener dans l’aventure une équipe de conseillers de clientèle. On a appris et construit ce métier tous ensemble, ce faisant les community managers ont gagné en compétence en relation client et les conseillers de clientèle jouent clairement un rôle de community manager dans leur façon de répondre ou de remercier les ambassadeurs et les fans qui animent aussi la page. Community Manager ou Community Evangelist ? Forcément les deux, ce projet se veut communautaire depuis le début y compris dans sa gestion en interne. Aujourd’hui vous trouvez sur cette page des community managers, des conseillers de clientèle et des Woobees, 70 experts internes de tous les métiers et ce n’est qu’un début. L’évangélisation se fait désormais naturellement et on touche seulement du doigt les possibilités du web social en terme d’image, de relation client, d’e-réputation, de création de trafic et d’amélioration continue. Si les Woobees sont un succès c’est parce que chaque expert marketing, service, juridique, processus… trouve dans ces échanges directs avec notre communauté, matière à s’améliorer en comprenant mieux les attentes de nos clients. Aujourd’hui, j’essaye d’être moins présent sur le mur, je sais que l’équipe gère et je consacre plus de temps à étudier toutes ces nouvelles possibilités.
7/ Petite question bonus : parlant de “gestion de crise”, toi qui as démontré qu’on pouvait être authentique et transparent dans la relation avec ses consommateurs sur les réseaux sociaux, que penses-tu du fail Orangina signé Fred & Farid?
Je ne me permettrais pas de commenter les rumeurs, Orangina est une belle marque, quant au bad buzz, j’avoue avoir suivi tout ça de loin, disons que j’avais d’autres priorités sur la même période ;) Quant à la création de faux comptes, cela n’a de toute façon aucun intérêt, ils ne génèrent aucune visibilité supplémentaire, gonflent artificiellement le taux d’engagement, bénéfice pour la marque = zéro. Pour prendre un peu de recul sans donner de leçon à personne, disons que cette mésaventure milite plutôt pour une internalisation des community managers. Les agences peuvent apporter de très belles idées créatives et un vrai plus stratégique pour l’animation des réseaux sociaux dont il serait dommage de se priver, mais pour le conversationnel je continue de penser que l’annonceur est le mieux placé pour écouter ses clients, expliquer son entreprise et sa marque.
Propos recueillis par Mylène Aboukrat
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