Après Le Goût du Chlore, présenté mercredi dernier, j’ai voulu continuer ma découverte de Bastien Vivès avec Polina, «Meilleur album de l’année 2011», un roman graphique de 206 pages et son œuvre la plus aboutie selon l’auteur lui-même. Je ne le regrette pas: ma lecture a été un enchantement.L’histoire est celle des rapports très stricts et très exigeants de Polina, une élève danseuse russe particulièrement douée avec son professeur Bojinski, le maître le plus rigoureux qui soit.Ayant remarqué ses grandes dispositions pour la danse, il veut lui confier un rôle de soliste qu’il a créé. Dès lors, il la prend sous son aile très jeune, la séparant ainsi de ses camarades mais, quelques années plus tard, elle le quitte pour suivre ses amis à l’étranger, dans une troupe indépendante. Après une blessure à la cheville la condamnant au repos et une déception amoureuse, elle se retrouve seule à Berlin où elle se fait bientôt remarquer par une troupe de jeunes danseurs. Quelques années plus tard, devenue célèbre, elle retrouve Bojinski et son ancienne école prestigieuse, le temps d’une fête. Les tensions entre le maître et l’élève se sont désormais apaisées. Ne demeurent que leur respect mutuel et leur amour inconditionnel pour leur art.
La couverture est révélatrice du thème central: le pas de deux dansé jour après jour par le maître et l’élève en plein effort, tendus tous deux vers un point d’excellence. Exigence et humilité. Par delà l’effort et la difficulté, il faut atteindre la grâce et la légèreté, au prix de grands sacrifices. J’aime beaucoup les dessins, en blanc et noir sur le même fond gris. L’évolution de la petite danseuse se découvre en comparant la première et la dernière page. Au début, les traits noirs sont très épais. L’ensemble est sombre. On ne voit pas tout de suite Polina, écrasée sur la banquette arrière d’une voiture, mais on suit son regard. Devant, sa mère, la conductrice, prodigue ses derniers conseils avant une audition importante pour entrer dans la fameuse Académie Bojinski, très recherchée:«Même si tu as mal, surtout ne le montre pas.»Un seul dessin termine le roman sur toute une page. Les traits sont très fins . L’ensemble inspire la sérénité. Il s’agit d’une vue plongeante sur Paris avec la Tour Eiffel au fond sur un grand ciel blanc. Polina est assise sur le balcon du dernier étage d’un immeuble haussmannien. Tournée vers l’intérieur, une télécommande à la main elle regarde un DVD que lui a envoyé Bojinski avec les recommandations qu’il lui donnait autrefois : «Le regard, Polina. Contemplez!» C'est un album magnifique. Polina de Bastien Vivès, roman graphique, (Casterman, 2011, 206 pages)