Il aura fallu qu'un seul sondage donne François Hollande dépassé par Nicolas Sarkozy au premier tour pour que tous les caciques socialistes reprennent en choeur la même rengaine : il faut voter socialiste dès le premier tour pour qu'une dynamique se crée ensuite. Le sous-entendu derrière cela est que les autres candidatures à gauche ne servent à rien, sinon à gêner le candidat de la rue de Solférino. A quoi bon faire un premier tour dans ce cas ?
Rappelons toutefois que la doctrine qui voudrait qu'il faille faire le plus gros score possible au premier tour pour l'emporter au second tour, est en grande partie une vue de l'esprit et a à maintes reprises été démentie. En 1981, François Mitterrand arrive en seconde position avec un parti communiste à 15 %. En 1995, Jacques Chirac est lui aussi second et concurrencé par Edouard Ballaudur. L'un et l'autre seront vainqueur au final, Jacques Chirac n'ayant même pas dépassé les 20 % au premier tour. A l'inverse, en 1974 François Mitterrand était en tête avec 44 %, en 2007 Ségolène Royal avec ses 26 % avait phagocyté tous les autres partis de gauche. On sait ce qu'il en est advenu.
Le vote utile n'est pas un gage de réussite, loin de là. Mais il est pire que cela, il est la négation même du débat démocratique. En appelant à voter pour eux dès le premier tour, les socialistes font comme s'il n'existait pas de différences avec le Front de gauche ou les écologistes, ils refuset même d'en débattre. Pourtant, ces différences, elles existent, et elles sont profondes, il n'y a qu'à lire les différents programmes pour s'en rendre compte. Le moment démocratique qu'est la présidentielle, ne doit-il pas aussi servir à clarifier les positions de chacun ?
L'appel au vote utile de la part des socialistes est aussi un double aveu. D'une part ils ne sont plus assez crédibles pour rassembler sur leur gauche, d'autre part ils reconnaissent que leur seul programme crédible est de battre Sarkozy. Pour faire quoi ? Une politique qui dans l'ensemble ne change en rien la donne économique et sociale et ressemble pour partie à celle de la droite. Bref, ce que les socialistes nous disent en appelant à voter utile, c'est qu'il vaut mieux que la politique de la droite soit menée par la gauche.
Et bien, il se trouve qu'il y a de plus en plus de gens qui sont convaincus que le meilleur moyen d'ancrer le PS à gauche durablement, est de faire en sorte qu'il ait des alliés de second tour qui soient incontournables et dont les valeurs de gauche sont indiscutables. En ce sens, le 22 avril, s'il existe un vote utile, c'est celui qui peut nous éviter de revivre 1983 et le tournant de la rigueur, ou les années Jospin qui ont été perçues comme une renonciation du PS a changer la société.
Ce vote-là, c'est le vote Mélenchon. Plus il sera fort au premier, plus le candidat socialiste aura de réserve de voix pour le second tour, et en cas de victoire éventuelle, il devra y réfléchir à deux fois avant de tourner le dos à certaines valeurs.