Au départ, l’auteur comptait réaliser un carnet de voyage classique. Mais à force de rencontres, d’anecdotes glanées ici ou là et surtout d’une envie irrépressible de faire une BD plutôt qu’une compilation d’aquarelles, Benjamin Flao s’est lancé dans ce diptyque au premier tome plus que prometteur. Naïm, son gamin débrouillard et cynique a tout de Tom Sawyer. L’histoire se déroule d’ailleurs à hauteur d’enfant, c’est ce qui fait tout son charme.
L’autre point fort de l’album tient évidemment à la qualité du dessin. Un trait proche du crayonné, des décors somptueux et des couleurs chaudes. C’est splendide ! Surtout, l’alternance entre les séquences dynamiques et celles plus contemplatives donne beaucoup de variété au récit. De la même manière, l’auteur fait se succéder des cases ultra fouillées et d’autre beaucoup plus épurées. A l’arrivée, ce parti pris graphique rend la narration très lisible et lui enlève toute lourdeur.
Des reproches ? Difficile de savoir où l’histoire va nous mener (même si pour moi, l’intérêt de l’album est ailleurs). Certains ne manqueront pas non plus de souligner que Benjamin Flao présente une Afrique de carte postale et ignore quelques réalités kenyanes comme l’intégrisme religieux, la grande pauvreté, le sida ou les guerres ethniques. Certes, mais on n’est pas ici dans le reportage à la Joe Sacco, plutôt dans le dépaysement version Hugo Pratt. La filiation avec le père de Corto Maltese est d’ailleurs évidente et assumée par l’auteur. Pour moi, le but est atteint, j’ai passé un moment de lecture délicieux qui m’a emmené loin, très loin de ma tristounette Picardie. Rien que pour cela, chapeau bas Mr Flao et merci pour la balade.
Kililana song T1 de Benjamin Flao, éditions futuropolis, 2012. 128 pages. 20 euros.