A l'époque il s'agissait de répartir le temps de travail pour réduire le chômage. Le résultat a, bien entendu, été inverse. Le temps de travail a bien été réduit, mais le chômage n'a cessé d'augmenter.
Pourquoi ? Parce que la production de richesses est une dynamique et que le temps de travail nécessaire à cette production augmente quand cette dynamique est lancée. Le temps de travail n'est pas une donnée statique; il n'est pas un gâteau aux dimensions fixes, qu'il faudrait morceler pour que chacun ait sa part. C'est tout le contraire. Faute de le comprendre, on réduit les dimensions du prétendu gâteau ...
Ces Français qui ne veulent pas travailler plus ont écarquillés les yeux quand ils ont appris que, dimanche dernier, le peuple suisse avait refusé par 67% des voix une initiative qui proposait à tous les salariés deux semaines de vacances supplémentaires par an. Ce n'est certes pas eux qui auraient refusé. Ces Français vivent sur une autre planète. Les Suisses savent, eux, qu'on ne rase jamais gratis... Ils ont, eux, les pieds sur Terre.
Ces Français qui ne veulent pas travailler plus ne comprennent pas que la mondialisation est un fait têtu, qu'il ne faut pas confondre avec le mondialisme ou l'alter-mondialisme, deux idéologies totalitaires, et que, dans la compétition internationale, le temps de travail est un atout majeur, parmi tant d'autres.
L'an passé, j'ai expliqué ici pourquoi, en pleine crise, le taux de chômage était bas en Suisse - 2,8% à l'époque -, en comparaison internationale :
- l'économie y est plus libérale que dans les autres pays dits riches
- la résiliation d'un contrat de travail y est plus facile
- l'indemnisation du chômage y est de plus courte durée et y répond à des critères plus étroits
- il n'existe pas de salaire minimum
J'aurais pu ajouter que ce chômage bas est aussi un corollaire de la compétitivité des entreprises suisses, en dépit du franc fort et de salaires plus élevés qu'en France - une caissière à la Migros gagne 2'400 € par mois -, grâce à des charges sociales beaucoup plus basses, à un temps de travail plus long et à une plus grande productivité, fruit de la recherche et de l'innovation.
Résultat : la Suisse, où la durée annuelle effective de travail à taux plein en 2010 est de 1'994 heures ici, tous secteurs confondus, a un taux de chômage de 3,3% en décembre 2011 ici. La France, où la durée annuelle effective de travail à taux plein est de seulement 1'679 heures en 2010 ici, soit 315 heures de moins par an (plus de deux mois de moins de travail par an), a un taux de chômage de 9,8%, y compris les DOM-TOM à fin 2011 ici, soit un taux trois fois supérieur à celui de la Suisse ...
Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de Gauche à l'élection présidentielle française, qui a tout compris à l'économie, éprouve de la compassion pour les pauvres Suisses qui ne connaissent pas un taux de chômage à la française, qui ont un niveau de vie bien supérieur, hélas, à celui des Français et qui ne bénéficient pas du formidable modèle social français, auxquel s'accrochent tous les candidats à la présidentielle française, comme à une bouée de sauvetage dans un naufrage :
"Je les plains de tout mon coeur de se laisser intimider par un patronat qui les convainc de ne pas prendre de vacances."
Quant aux deux principaux candidats à l'élection présidentielle française [dont la photo, où on les voit se serrer la pince, provient d'ici], ils veulent caresser dans le sens du poil, qu'ils ont dans leur main, ces Français qui ne veulent pas travailler plus. L'un comme l'autre se proposent donc, chacun à sa façon, pour leur complaire, de ponctionner les riches, les boucs émissaires de la mauvaise gestion depuis près de 40 ans, de la gauche comme de la droite, auxquelles ils appartiennent, et qui conduit tout droit le pays vers une situation à la grecque.
François Hollande veut instituer une tranche d'impôt à 75% sur les revenus supérieurs à 1 million d'euros par an, et Nicolas Sarkozy veut instituer une extraterritorialité des impositions, sur le mode américain, pour faire cracher au bassinet les exilés fiscaux français, ceux qui ont réussi, en dépit de tous les obstacles dressés sur leur chemin, à faire fortune dans un pays où on leur crache dessus tous les jours, en se plaignant, également tous les jours, d'être en voie de paupérisation, en travaillant moins. Ce qui est un comble...
François II et Nicolas II sont bien naïfs, l'un comme l'autre, s'ils croient qu'en prenant de telles mesures, qui reviennent à travailler plus pour ne plus rien gagner du tout, voire commencer à perdre, ils donneront envie, justement, de travailler plus aux Français qui le veulent encore et qui voudraient bien encore devenir riches en France, mission de plus en plus impossible dans ce pays ... à moins d'être privilégiés et protégés par des compères bien placés.
Face à des requins pareils, l'évasion, sous une forme ou une autre, sans laisser de traces, est un devoir de charité bien ordonnée. En attendant des jours meilleurs...
Francis Richard