Le conservateur Geir Haarde, aux commandes pendant la crise, est le seul politique à devoir répondre de celle-ci. Il risque jusqu’à deux ans de prison. Par LIBÉRATION.FR (avec AFP)
« Je rejette toutes les accusations, et je crois qu’elles sont sans fondement. » C’est sur cette déclaration de l’ex-Premier ministre islandais, Geir Haarde, que s’est ouvert ce lundi son procès à Reykjavik. Ce conservateur de 60 ans, en poste de 2006 à 2009, est aujourd’hui tenu comme le seul responsable de la crise qui, en 2008, a emporté le système financier de la petite île scandinave.
En 2010, une commission d’enquête avait pourtant pointé la responsabilité de plusieurs autres personnalités publiques. Le Parlement – passé à gauche – a finalement décidé de n’inculper que Geir Haarde, traduit devant une Haute Cour de justice jamais convoquée depuis sa création en 1905. L’ancien Premier ministre, poussé à la démission par une série de manifestations, risque jusqu’à deux ans de prison. Sa faute : avoir fait preuve d’une « grave négligence » face à l’hypertrophie du système bancaire islandais, et négligé les signes annonciateurs de son effondrement. Une île en faillite
En 2008, l’endettement des grandes banques locales culminent à 10 fois le PIB national. Une position intenable qui, balayée par la crise des subprimes, a entraîné avec elle toute l’économie islandaise. De 2008 à 2010, le taux de chômage est passé de 3% à 7,6%. Le PIB, lui, chûtait de 6,7% en 2009 et de 4% en 2010. La monnaise islandaise a été fortement dévaluée, coup dur pour une économie insulaire très dépendante des importations. Et le pays s’est vu obligé de solliciter l’aide du FMI pour un prêt de 1,54 milliards d’euros.
Depuis, l’économie a entamé son redressement. Le PIB a crû de 3,1% en 2011, et devrait poursuivre sur sa lancée dans les prochaines années, selon les prévisions internationales. Agité par un débat sur la connivence entre élites politiques et économiques, le pays a aussi entrepris de rénover ses institutions et pratiques démocratiques. C’est ainsi que, par deux fois, en mars 2010 et février 2011, les Islandais ont refusé par référendum que l’Etat rembourse les créanciers britanniques et hollandais de la banque Icesave, en faillite – au prix d’une querelle avec les deux pays en question, et avec le FMI. Nouveau départ
De même, une nouvelle Constitution doit être adoptée sous peu par le Parlement. Sa rédaction a suscité l’enthousiasme des observateurs étrangers en raison de son caractère participatif : après avoir élu une assemblée constitutante, les citoyens étaient appelés à participer à ses travaux via les réseaux sociaux. En réalité, la participation au scrutin a été si faible que celui-ci a été annulé et les constituants nommés par l’Assemblée. Tandis que l’intensité de la collaboration en ligne est toute relative (seulement 5 272 abonnés suf Facebook et 545 sur Twitter pour un pays de 320 000 habitants).
Reste une démarche innovante, visant à faire de l’après-crise un nouveau départ à tous les niveaux pour le pays. Le procès de Geir Haarde est un moment important de ce processus. Mais le principal intéressé dénonce, lui, une « farce politique » et la recherche d’un bouc émissaire. « Il n’y a qu’avec le recul que l’on peut dire que tout ne s’est pas passé comme il aurait fallu, a-t-il déclaré au premier jour de son procès. Nous avons sauvé le pays de la banqueroute. » Aucun responsable gouvernemental d’avant 2006 ne sera jugé.
En sortie de crise, l’Islande juge son ancien Premier ministre – Démocraties Participatives.