La correspondance a longtemps été pour les femmes le lieu où forger leur identité en s'affranchissant des modèles établis par la société. C'est aussi sur ce terrain qu'elles se sont ouvert une voie vers la littérature, chasse gardée des hommes.De l'effusion amoureuse ou amicale à la réflexion intellectuelle et politique, en passant par les conseils maternels, les grandes épistolières offrent un autre regard sur le monde qui les entoure.
Dans cet ouvrage richement illustré, Laure Adler et Stefan Bollmann nous invitent à revisiter les correspondances d'une cinquantaine de femmes de tête et de cœur : de la princesse Palatine, belle-sœur de Louis XIV, à la poétesse américaine Sylvia Plath, sans oublier les incontournables Madame de Sévigné, George Sand, Colette, Anaïs Nin ou encore Marguerite Yourcenar. Flammarion
Madame de Sévigné par Claude Lefebvre
A monsieur de CoulangesA Paris, ce lundi 15 décembre 1670« Je m'en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la plus éclatante, la plus secrète jusqu'aujourd'hui, la plus brillante, la plus digne d'envie: enfin une chose dont on ne trouve qu'un exemple dans les siècles passés, encore cet exemple n'est-il pas juste; une chose que l'on ne peut pas croire à Paris (comment la pourrait-on croire à Lyon?); une chose qui fait crier miséricorde à tout le monde; une chose qui comble de joie Mme de Rohan et Mme d'Hauterive; une chose enfin qui se fera dimanche, où ceux qui la verront croiront avoir la berlue; une chose qui se fera dimanche, et ne sera peut-être pas faite lundi. Je ne puis me résoudre à la dire; devienez-la: je vous le donne en trois. Jetez-vous votre langue aux chiens? Eh bien! il faut donc vous la dire...