Elle vient à peu près une fois par an, Djennifer Goranitzé, rendre visite à Nathan Golshem, son mari torturé à mort, et dont le corps n’a pas été retrouvé. Elle le reconstitue, lui redonne présence physique et vigueur en dansant, en frappant le sol jusqu’à ce qu’il soit près d’elle. La danse est entrecoupée de récits, de batailles perdues, de combats à mener, de portraits multiples de ces Untermenschen qui résistent tant bien que mal loin des riches contre lesquels ils tentent parfois des expéditions. C’est une extraordinaire histoire d’amour et de mort. Et c’est sur une décharge que la femme vient rejoindre l’homme. Leurs souvenirs les ramènent du néant et les tiennent ensemble. Souvenirs que la lune, parfois, empêche de venir à la parole. Par énumérations, et toutes sortes de litanies, de guerres perdues, certains entretenant « l’idée qu’un retournement de situation est probable, et même très proche », de chefs d’inculpation pour « les mettre en rage et nous faire rire ». Car il y a de quoi rire dans ce livre, un rire de résistance, contre quoi l’ennemi ne peut rien, car l’ennemi ne peut que tuer et Nathan Golshem est déjà mort et Djennifer Goranitzé « danse depuis les morts et avec les morts. [Elle] appelle ceux qui restent depuis les restes. C’est comme ça que ça se passe. [Elle] frappe du pied sur la terre des vivants, mais, quand [elle] parle, [elle] ne parle pas autrement que depuis les morts. »
Dans ce blog, vous trouverez un autre livre de Lutz Bassmann, Haïkus de prison.