Magazine Caricatures
J’avoue que j’ai découvertcet ouvrage complètement par hasard au détour d’une recherche sur internet. Unblogueur, ancien élève de ce professeur de russe nommé Michail Maiatsky, a faitdébut 2012 un compte-rendu de l’ouvrage des Editions Michalon paru en 2007 etjustement intitulé Europe-les-Bains (Michalon, 2007). Je le cite : «Philosophe d'origine russe, l'auteur frappeen effet là où on ne l'attend pas, en défendant, au fil de chroniquescaustiques, un projet européen pour le moins audacieux. Quel projet?Transformer l'Europe fatiguée que nous connaissons en un vaste parc balnéo-culturel- la capitale mondiale du tourisme.»
Le destin du touriste
J’ai été bien sûr intrigué.D’abord parce que c’est le second ouvrage de création que je lis, qui prend letourisme comme lieu de mise en scène ludique de la mémoire. Le premier étant « Le destin du touriste » de Rui Zink (Editions Métailié, 2011) où l’auteurdénonce avec un humour noir décapant le tourisme des voyeurs dans les pays enguerre. Mais j’ai surtout été séduit en raison du fait que j’ai moi-mêmerépondu plusieurs fois par une boutade mi-figue, mi-raisin à ceux qui, aprèsune conférence sur les itinéraires culturels, m’interrogeaient sur l’avenir dutourisme en Europe. «Etant donnée ladésindustrialisation de l’Europe et le réservoir de touristes que constituentla Chine et l’Inde, je suis à peu près certain que dans moins de cinquante ansl’Europe sera devenue un parc d’attraction de haut niveau où les habitants des paysà fort pouvoir économique viendront se détendre et apprécier le patrimoinematériel qui sera superbement mis en scène et fera l’objet de parcourscollectifs de tourisme lent, tandis qu’ils pourront déguster le patrimoineimmatériel qui aura fait l’objet d’une valorisation attentive de la part deslow food.»
Melencolia d'Albrecht Dürer
Un nouveau Grand Tour ?
J’ai peur que cetteprévision n’ait rien d’une utopie. Que dit Michail Maiatsky ? «L’Europe, et la France au premier chef, esten train de devenir un lieu de villégiature quatre-étoiles. Plus d’usines, plusd’industrie, plus d’ouvriers, plus de travail mais de plus en plus de genspressés quand même, et surtout des touristes de toute nationalité qui énerventbougrement les autochtones. Des musées bondés où l’on admire des tableaux surla « mélancolie ». Une civilisation en plein spleen, qui ne se remet pas de sagrandeur passée et se lamente sur les petits Chinois, où les politiques ontperdus le Nord, où l’on ne sait plus comment s’y prendre avec les « jeunes »,mais où les petits vieux sont presque majoritaires - donnant tout son sens àl’expression « cette bonne vieille Europe » - bref, où tout commence à sentirle roussi. Mais au lieu de vivre ce tournant en faisant l’autruche, mieux vautl’assumer. Si c’est, assurément, la fin d’un chapitre, ce n’est pas pour autantla fin du monde. Quelles sont les perspectives dans ce nouveau parcbalnéo-culturel ? Devenu oisif par choix ou par contrainte, l’Européen pourraservir de guide aux visiteurs, mais surtout aura enfin du temps pour prendresoin de lui, pour jouir pleinement de ses désarrois et des aléas de son destin.»
C’est dit !
Le 16 décembre 2010The Economist titrait : "A new Grand Tour. China’s tourists arecarving out a new European itinerary, with some unexpected stops”. On peut y lire que l’Europe est le continent quiarrive en tête des sondages quant aux destinations qui font rêver les Chinoisde la classe moyenne et parmi les lieux qui reviennent le plus souvent ilscitent la Tour Eiffel, le Louvre et le Grand Canal à Venise. Bizarrement, ilssont également attirés par des destinations que les Européens eux-mêmesauraient du mal à situer sur une carte comme le Luxembourg, Trèves, Metzingen,Vérone ou le mont Titlis (Les Alpes suisses). Le Tour d’Europe des touristeschinois commencera de toute évidence en France, pays considéré comme celui quioffre l’essentiel de toutes les vertus européennes, c’est à dire une richeHistoire, le romantisme, le luxe et la qualité. »
C’est dit également !Etque le Luxembourg pardonne The Economist qui souligne : "In Luxembourg the Chinese tourists pausejust long enough to photograph the palace of its reigning grand duke. Thispocket-sized country, with a population 3,000 times smaller than China’s, isadmired for its national wealth per person (the highest in the world by some measures).It also allows Chinese tour groups to knock off another country with minimaleffort, allowing for extra boasting back home”.