Titre : Magasin Général, T1 : Marie
Scénaristes : Régis Loisel & Jean-Louis Tripp
Dessinateurs : Régis Loisel & Jean-Louis Tripp
Parution : Mars 2006
« Le magasin général » est une série née il y a environ six ans. Actuellement composée de sept tomes, chaque année voit naître un nouvel opus. Je n’avais jamais pris le temps de découvrir cette saga relativement célèbre. J’ai donc récemment lu le premier ouvrage intitulé « Marie ». Edité chez Casterman, ce livre est agréable à rencontrer. Sur un fond sombre, on découvre une femme au visage protecteur et apaisant. Avec son tablier, elle semble être en train de s’occuper de sa maison. Elle est accompagnée par son petit chat noir qui la regarde avec intérêt. Dans le fond, on découvre un homme discuter avec un enfant s’apprêtant à prendre une voiture qui nous plonge dans la première partie du vingtième siècle.
La quatrième de couverture présente l’histoire avec les mots suivants :
« Ben voyons, Marie, tout le monde profite de toi, et puis on dirait que tu ne vois pas…
- Faut bien rendre service, Jacinthe… je l’ai toujours fait.
- Oui, mais avant, c’était Félix qui s’occupait du magasin !
- Je sais bien, ma petite Jacinthe… Je sais, mais j’ai toujours été comme ça… »
J’ai décidé de m’offrir cet ouvrage par la seule présence de Loisel sur la couverture. Comme beaucoup de personnages, j’ai découvert son trait dans « La quête de l’oiseau du temps ». Je garde également une affection particulière pour « Peter Pan ». Il s’agit donc à mes yeux d’un auteur de grand talent et « Le magasin général » devait sûrement être dans la même catégorie que ses productions précédentes. La particularité de cette série est de naître d’une association originale. En effet, Loisel et Tripp réalisent ensemble le scénario aussi bien que le dessin. Pour citer le quatrième de couverture, « ils ont conjugués leurs talent pour donner naissance à un auteur virtuel ». J’étais donc impatient de rencontrer Marie en lisant les quatre-vingts pages de l’ouvrage.
Le fait de se baser uniquement sur le nom de l’auteur pour ouvrir un livre fait qu’on n’a aucune idée de l’histoire au moment de découvrir la première page. Elle nous plonge dans le Québec des années vingt au beau milieu d’un village reculé nommé « Notre-Dame-des-Lacs ». Le dépaysement est géographique, temporel et sociétal. L’ouvrage respecte une unité de temps et de lieu qui accentue ainsi le côté isolé de la communauté qu’on rencontre. Le fait que l’ouvrage soit plus long qu’un album classique fait que notre l’immersion a le temps d’être profonde et réelle. Le côté refermé sur lui-même de cet petit monde n’est pas désagréable pour le lecteur. Cela offre un côté convivial et chaleureux. Il est évident que tout ne doit pas être rose et que je suis loin de rêver de vivre dans ce genre de village. Mais cela ne m’empêche pas de prendre plaisir à suivre les pérégrinations de ce petit monde.
Il est évident que le fonctionnement et la survie de cette communauté résulte d’une organisation sans faille quant à ses fournitures et ses approvisionnements. Marie et son mari Felix gèrent le magasin général qui est donc l’unique lien avec l’accès à bon nombre de produit. Les premières pages nous font vivre le décès de Felix. Marie se retrouve donc seule pour répondre à toutes les attentes de chacun. Mais il est dur de satisfaire tout le monde quand on est seul malgré la meilleure volonté du monde. C’est cette tâche d’apparence insurmontable que nous fait découvrir cet album. On ressent immédiatement une grande empathie pour Marie. Cette jeune veuve au visage doux et affectueux a le cœur sur la main. Elle ne sait pas dire non. Elle a le cœur sur la main. Elle est donc dépassée par les attentes des différents membres de la communauté qui semblent montrer bien peu de compassion à son encontre. Malgré le côté peu spectaculaire de l’histoire, notre curiosité est attisée et notre attention ne cesse pas jusqu’à la dernière page.
Au-delà du côté finalement original de son héroïne, cette série, par sa trame, nous fait rencontrer un bon nombre de personnes qui cohabitent. Ce premier opus marque notre découverte de chacun. Certains nous font bonne impression, d’autres moins. On s’attache aux uns, les autres nous indiffèrent… Bref, on ressent vraiment l’impression de naviguer dans les rues de Notre-Dame-des-Lacs. On erre de maison en maison et chaque découverte participe au dépaysement agréable offert par la lecture. On est impatient de retrouver tout ce beau monde dans le prochain tome. On a hâte d’approfondir nos liens avec certains, d’en savoir plus sur d’autres. On est curieux de voir l’évolution de cette communauté et de son attitude vis-à-vis de cette chère Marie.
Concernant les dessins, la rencontre de Loisel et Tripp offre un résultat remarquable. Je n’ai pas le vocabulaire spécialisé pour les décrire mais sachez qu’il offre à la lecture une atmosphère unique. Les personnages possèdent une personnalité propre dès leur première apparition. Celle-ci se dégage majoritairement des visages, particulièrement travaillés. A cela s’ajoute des couleurs subtilement posées qui permettent aux dessins de prendre une ampleur tout autre. Les tons ne sont pas trop vifs et génèrent une ambiance assez « cocooning » à notre immersion dans la vie de Notre-Dame-des-Lacs. Chaque planche est un vrai plaisir pictural qui ravira les adeptes du genre.
En conclusion, je ne regrette pas d’être parti à la découverte de ce « Magasin général ». Je trouve que la lecture est assez envoutante. Malgré sa longueur relative, l’album se lit d’une traite. Mais on prend son temps pour savourer chaque moment et chaque rencontre. Marie est une héroïne à laquelle on s’attache très vite et qui nous implique émotionnellement dans l’histoire. Je suis donc vraiment curieux de connaitre la suite des aventures de tout ce petit monde. Je ne vais donc pas tarder à me plonger dans « Serge », deuxième tome de la série. Mais cela est une autre histoire…
par Eric the Tiger
Note : 16/20