Vladimir Poutine a été réélu dès le premier tour de l’élection présidentielle, ce 4 mars, avec 63,6 % des voix, élu pour la troisième fois, après 2000 et 2004. Arrivé en deuxième position, le communiste Guennadi Ziouganov a obtenu 17,1 %. Le milliardaire Mikhaïl Prokhorov obtient 7,9 % des voix, devançant le nationaliste Vladimir Jirinovski, à 6,2 %; le centriste Sergueï Mironov atteint 3,8 %. Ce scrutin révèle une usure du pouvoir russe mais aussi l’absence totale d’alternative à Poutine qui est aujourd’hui et pour six ans le maître du Kremlin.
Les médias français ont largement commenté les fraudes de la semaine dernière, celles-ci se sont pour la plupart produites en province. Au Tatarstan, Poutine a remporté 93% des suffrages, au Daguestan ou en Tchétchénie près de 100% des voix. A Moscou, des observateurs ont été expulsés des bureaux de votes. Malgré les webcams installées par le pouvoir dans tous les bureaux de vote, les observateurs ont noté des bourrages d’urnes, des falsifications des résultats par les commissions électorales mais aussi une nouvelle technique dite du carrousel : des autobus d’électeurs disposant d’une attestation les autorisant à voter dans un autre bureau de vote que celui où ils sont inscrits, ce plusieurs fois dans la journée et contre une rémunération.
Après les élections législatives de décembre dernier et cette semaine encore, un mouvement civil, surtout à Moscou, et à plusieurs reprises, s’est exprimé pour manifester son refus des fraudes électorales. Des falsifications réelles, mais qui n’ont ni en décembre ni la semaine dernière modifié réellement le vote des citoyens russes. Le parti Russie Unie est certes discrédité, sans les falsifications, il n’aurait pas obtenu la majorité mais serait resté le premier parti russe. Poutine, décrié par une partie de l’opinion publique russe, n’aurait pas obtenu le score qu’il a obtenu mais aurait été élu dès le premier tour. L’association démocratique Golos, qui recense les fraudes le reconnait.
Car la Russie réelle, n’est pas Moscou, la Russie profonde, qui a vécu avec terreur les années Eltsine refuse de voir le pays déstabilisé par l’opposition. Cette opposition inédite en Russie est certes faible et divisée. Mais issue de la classe moyenne urbaine, éduquée, au niveau de vie confortable, elle aspire aujourd’hui à un mode de vie plus européen et souhaite que soient garantis les droits politiques et civiques. Ces aspirations sont légitimes et il ne faut pas sous-estimer le rejet de Poutine que l’on retrouve à Moscou et dans les grandes villes de Russie, notamment parmi les jeunes générations et dans une bonne partie de l’élite russe.
Cette opposition contraint déjà le pouvoir à déverrouiller un système concentré depuis 2000. Le procès Khodorkovski sera bientôt revu, a annoncé le Président Medvedev, qui a aussi affirmé, il y a deux mois, le rétablissement de l’élection des gouverneurs des régions russes, actuellement nommés par le pouvoir.
Le système a été fixé par Poutine, lorsqu’il est arrivé au pouvoir, lui seul dispose de l’autorité pour le modifier, l’opposition n’ayant ni l’unité ni la capacité à l’heure actuelle d’être crédible et majoritaire. C’est ce qu’ont compris les diplomaties européennes, Poutine sera le maitre de la Russie pour les six ans à avenir, il s’agit de le reconnaitre. Et pendant ces six années, il devra assumer ses responsabilités pour comprendre les aspirations démocratiques de son peuple, pour moderniser l’économie russe, poursuivre son ouverture économique après la prochaine entrée dans l’OMC et affirmer le rôle de la Russie au Proche-Orient, en Iran, en Asie centrale où son influence stratégique peut permettre la résolution de plusieurs crises.