Doctor Lonnie Smith - "Too Damn Hot" 2004 Pametto Records

Publié le 13 mars 2012 par Audiocity

 

Depuis que l'organiste Jimmy Smith a disparu en 2005, Doctor Lonnie Smith fait figure de dernier des mohicans du B-3. Il est le seul grand claviériste d'orgue Hammond a avoir entamé sa carrière dans les années 60 et à être encore en activité aujourd'hui. Mais ne vous fiez pas à son âge avancé. L'homme au turban et à la longue barbe blanche a beau entamer sa soixante dixième année dans quelques mois, le feu brûle toujours autant dans ses doigts. "Turbanator" (en référence à la coiffe sick qu'il arbore fièrement), a l'apparence d'un sage et l'esprit d'un génie.

Pour accompagner un artiste de cette trempe, il fallait bien évidemment des musiciens prêts à en découdre et au niveau des ambitions de ce fabuleux "groove man". La formation est un combo original composé de 2 guitaristes (Peter Bernstein à la lead et Rodney Jones à la rythmique), et de 2 batteurs se partageant le boulot (Greg Hutchinson et Furushi Tainaka). Si certains disques mettent du temps à se faire apprécier, dès les premières notes de "Too Damn Hot" on sait que la question ne se posera pas et qu'on est en très bonne compagnie. Avec lui, pas besoin d'être un expert en analyse rythmique et harmonique pour se faire plaisir. Vous êtes de ceux que le fait d'écouter du jazz indispose, qui plus est le jazz d'un type voué exclusivement à l'orgue Hammond et honoré du titre symbolique de "Doctor" par ses pairs, le tout suggéré par un blogger prétentieux qui vous le vendrait comme la pépite à posséder absolument (si si c'est le cas). Alors ce disque est fait pour vous. Personnellement je le définis comme étant du R&J (il me semble avoir déjà lu la formule quelque part (Robert Glasper je crois). J'emploie sciemment ce terme de "Rythm&Jazz" que je trouve opportun en au moins 2 points: d'abord parcequ'il sied parfaitement à cette musique, mais aussi (surtout) parcequ'il désacralise le mot jazz, trop souvent qualifié de "musique de vieux", "genre elitiste", "expression surannée".... La force de ce moment et de la symbolique populaire et fraternelle qu'il avait jadis a, je le crains, définitivement disparu. Du coup, j'imagine (peut être à tort), que l'appellation de Rythm&Jazz le présentera sous un jour plus moderne et qu'il lui redonnera vitalité et espoir auprès d'un plus large public. Au fond de moi je garde l'espoir que tout n'est pas perdu, avec la crédulité naïve des plus optimistes (ce que je ne suis pourtant pas). Comment des titres comme "Mama's Got A Complex", "Back Track", "Norleans", "Track 9" ou "One Cylinder" ne sont-ils pas déjà devenus des classiques de la musique moderne. La majorité des auditeurs n'a pourtant pas les oreilles encrassées (tout juste cloisonnées). Balancez l'album en soirée avec des amis et vous aurez des retours, sûr et certain. « Doctor Lonnie Smith? Ah! Je ne connaissais pas mais j'aime beaucoup ». Effet garanti. "Too Damn Hot" sait de quoi il parle. Un titre pareil annonce la couleur et fait monter le désir. Gare aux braises qui pourraient bien vous chatouiller la plante des pieds (n'est pas Sikhs qui veut). Quand je l'écoute je me construis un scénario. J'imagine les yeux et la barbe du "Doctor" briller et friser sous le souffle chaud des basses de l'orgue fumant sous ses pieds. Dans le studio l'effet semble se répéter avec Peter Bernstein et les autres. Rapidement la température grimpe dans la pièce calfeutrée; le baromètre ne redescendra plus qu'en de rares occasions ("Too Damn Hot", la reprise d'Horace Silver, "Silver Serenade", ou encore celle de Frank Churchill, "Someday My Prince Will Come"). Moins enclin à me faire vibrer, ces respirations plus "classiques" ne sont pour autant pas mal-venues et permettront de souffler entre 2 morceaux plus "funky". Pas vraiment moderne ni même franchement original, "Too Damn Hot" n'en demeure pas moins une oeuvre pleine de fougue et d'énergie susceptible de ravir tous ceux pour qui le jazz serait encore inabordable (la majorité en somme).
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