Avec Asgard, guerrier et chasseur redoutable, bienvenue en Fordjland, pays des fjords et des vikings ! Venez chasser avec lui le terrible krökken : Serpent-monde des dieux ou simple monstrueux animal, cette aventure vous entraînera sûrement dans les profondeurs de l’âme humaine…
Edité chez Dargaud,
Dessin de Ralph Meyer,
Scénario de Xavier Dorison,
Sortie le 02/03/2012
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Public conseillé : Adulte, homme ou femme
Style : aventure, quête dramatique
Référence : Moby Dick de Herman Melville, Les vikings (1958) de Richard Fleischer, Le 13eme guerrier (1999) de John McTiernam
Ce que j’en pense
Vous aimez les paysages désolés, ténébreux et humides ? Les ambiances, glauques, sombres et dangereuses ?
Bienvenue en Fordjland, pays des fjords et des vikings ! Au creux de ces lacs, ce peuple de pêcheurs et de guerriers a trouvé refuge, adoptant la même âpreté que leur terre. Vivant de pêche, autant que de pillages, ils commercent de ce qu’ils prennent aux autres, et croiser leur chemin n’est jamais bon signe.
Mais c’est aussi une société ultra-codifiée que nous explique Dorison. Chacun, par sa naissance y trouve sa place et nul ne peut prétendre à en sortir. Toutes les différences n’y sont pas admises. Le sort des Skraëling, les non-vikings (esclaves, étrangers, enfants difformes) est scellé : la solitude et la mort.
Dorison nous livre les clés de ce monde assez limpidement en développant son histoire. Je vous conseille néanmoins de lire l’introduction, si vous ne voulez pas décrocher.
Dans cette aventure, Dorison et Meyer nous entraînent dans le sillage d’un Skraëling hors du commun : Asgard, enfant malformé, épargné par son père malgré la coutume.
L’histoire débute vraiment 40 ans plus tard. Guerrier esseulé et terrifiant, Asgard “pied de fer” a survécu grâce à la prothèse de fer qu’il s’est fabriqué. Sa venue coïncide avec un événement majeur. Terrifiés par les attaques répétées d’un monstre marin (un Krökken), Les vikings n’osent plus sortir en mer pour pêcher ou lancer la Strandhögg (razzia).
Pour nous mettre dans l’ambiance, Meyer et Dorison nous montrent la dernière attaque de ce Krökken, soudaine et brutale. L’ équipage d’un Drak de pêche y trouve la mort, sans même avoir aperçu le monstre. Seule certitude, ce Krökken est énorme. Seule rescapée à bord du bateau, Sieglind (Skraëling elle aussi, car fille d’esclave) s’en sort presque miraculeusement. En la ramenant au village, Asgard pied-de-fer propose ses services. Cet homme, chasseur et guerrier exceptionnel est célèbre. Malgré la haine que les vikings éprouvent pour sa différence, il est le Krökkentödter : Le tueur de monstre !!!
On est loin du preux paladin tuant le dragon pour sauver la veuve et l’orphelin. Dorison nous montre un guerrier cynique et vénal, dont le seul moteur est l’argent. Ses exigences sont énormes et seul le roi peut lui en promettre suffisamment pour lancer cette mission. Puisqu’il faut pêcher un gros poisson, c’est sur un Drak qu’il lancera l’ expédition. A défaut d’autres guerriers courageux, Asgard se voit affublé de quelques compagnons qui s’imposent d’eux-mêmes : Sieglind; Kristen (femme forte qui met son drak au service de l’expédition); Gözlin (guerrier d’élite du roi) et un scalde (barde) vieillissant.
Une “partie de chasse” terrible commence où chaque participant paiera son tribu à la bête. Je n’en dirai pas plus sur le succès de la mission ou sur les sacrifices qu’il leur faudra consentir, mais sachez juste que les difficultés sont dignes du panthéon viking : plein de fureur et de bataille.
Dorison a construit un album d’introduction avec beaucoup de finesse. Loin des poncifs du genre “guerrier à gros bras”, il présente un monde viking perverti par son système de caste et dépendant de ses Strandhögg (razzias) pour survivre. Les personnages sont assez subtils et plein de contradictions. Ce sont tous des êtres en souffrance, cherchant à prouver (à eux-mêmes ou aux autres) leur valeur. Mais c’est “pied de fer” le plus intéressant. Cet immense guerrier solitaire est l’antithèse d’un viking. Agissant pour son seul compte, loin de tous esprit chevaleresque, c’est un homme rejeté par la communauté dont il cherche à se venger. Etonnamment, c’est le plus cartésien de tous. Il prépare l’expédition comme un chasseur qui s’en va tuer un prédateur féroce. Ni plus, ni moins et refuse l’idée que ce Krokken puisse être le fils des dieux (le serpent monde).
C’est surtout le thème central de l’album qui m’a enthousiasmé. Il y a entre Asgard et le Krökken une relation forte. Totalement “possédé” par cette chasse, il en oublie les risques et les conséquences. L’acharnement qu’il y met ressemble à la folie du Commandant Achard à la poursuite de Moby Dick, dans l’oeuvre de Herman Melville. Ces deux duos sont aussi monstrueux. Erreurs de la nature, rejetés par la “normalité bien pensante”, ils cherchent leur place dans ce monde qui ne veut que les détruire. Dorison et Meyer nous font vivre un combat de titans sans espoir et sans fin.
A propos de mise en image, parlons du dessin de Meyer. J’apprécie beaucoup son style réaliste et expressif à la fois. Dans cet album, Meyer a l’occasion de montrer tout son talent. Les décors brumeux et sombres sont merveilleusement traduits et l’ambiance est pesante à souhait. J’aimerais beaucoup voir ses planches originales en noir et blanc. A en juger par le résultat final, son travail des noirs doit être superbe. En multipliant les matières à l’infini, il traduit toutes les nuances vaporeuses de ce pays flottant dans une brume éternelle.. Les scènes de batailles elles aussi sont réussies, limpides, lisibles. Meyer ne nous perd jamais et se permet de nombreux plans cinématographiques (plongé, contre plongé). Les personnages sont parfaitement dessinés, mais un peu trop stéréotypés à mon goût.
Pour résumer Dorison et Meyer nous plongent dans une aventure viking, loin des sentiers battus. Porté par le souffle tragique d’un Moby Dick, c’est un combat à mort dans lequel se lancent Asgard et son “monstre”. Laissez-vous emporter par cette quête terrible et magnifique.
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