Chaîne humaine

Publié le 12 mars 2012 par Alteroueb

L’heure est aux grands rassemblements. Leurs réussites médiatiques ne tient qu’à un chiffre, élaboré au doigt mouillé, ou à la louche par jour sans vent, celui du nombre de participants. Ce dimanche, je n’en retiendrai qu’un seul : 230. Cela ne représente pas un nombre de manifestants, mais la longueur, en kilomètres, d’une chaîne d’hommes et de femmes qui se donnent la main et crient leur hostilité au nucléaire, un an après la catastrophe de Fukushima.

On a quasiment tout dit sur la filière nucléaire qui permet au monde moderne de se permettre toutes sortes d’excès en matière énergétique, une panacée universelle. L’atome, c’est l’avenir. La ressource est inépuisable, moderne, innovante, totalement maîtrisée, totalement incontournable… Le rêve de l’énergie quasiment gratuite, et immensément profitable…

Mais la vraie vie est différente. Elle peut être rude et compliquée si on renonce à tenir compte des signaux reçus d’un peu partout, si l’on oublie l’histoire, si l’on s’obstine à écarter ce qui constitue l’expérience. C’est un peu ce qui se passe avec l’énergie nucléaire. Engoncée dans son confort, la partie argentée de ce monde refuse de voir l’évidence : quoiqu’en disent les spécialistes, il y a trop d’inconnues non maîtrisées.

La réalité est que beaucoup de questions sont éludées, ou avec une réponse invariable : «il n’y a aucune raison de s’inquiéter, tout est sous contrôle». Pensez donc ! On ne sait toujours pas quoi faire avec les déchets issus de la fission. Alors on les lègue tels des jolis cadeaux empoisonnés, à nos enfants et leurs descendances. Sous de beaux rubans colorés, c’est la mort lente qui est distribuée. Bien peu en parlent, mais le démantèlement, en dehors de sa dangerosité pour le personnel concerné et la pollution engendrée, est d’un montant astronomique, et bien entendu, non compris dans la facture, ce qui rend le coût final de l’électricité nucléaire bien moins intéressant qu’annoncé. On frise l’escroquerie.

Mais il y a surtout les accidents qui n’arrivent jamais, mais qui sont la réalité quotidienne des ukrainiens et des japonnais, qui bouleversent leur vies en les exposant au feu invisible sous des discours faussement rassurants. J’ai encore ce souvenir de la centrale du Blayais inondée en 1999, puis de Fessenheim, en 2003, en pleine canicule, frôlant là-aussi la catastrophe par manque d’eau, sans tremblement de terre, sans tsunami… J’imagine ma terre natale, cette terre d’abondance, souillée pendant 30.000 ans. Plus de Pinot Gris, de Gewurztraminer… Inimaginable.

Les pouvoirs n’en n’ont que faire. C’est le risque à payer rétorquent-ils, le risque «zéro» n’existant pas. Le risque, au demeurant, c’est le moteur de la société, la contrepartie ultime qui justifie la taille démesurée des gains financiers possibles. Le risque justifie tout, jusqu’à l’absurde, et on ne va tout de même pas tuer la poule aux œufs d’or.

Mais jusqu’à quand ? A tous les niveaux, la facture est bien trop chère. De la prochaine catastrophe, parce qu’elle arrivera forcement, on apprendra qu’elle ressemble dans ses effet à ses devancières, avec cette même impuissance face à la radioactivité, et que face à la démesure, il serait temps de penser à stopper tout cela. Je crois fermement qu’on peut faire l’économie d’un tel nouveau chaos. Je crois sincèrement qu’il est possible de produire propre dans une échéance de 10 ans. La difficulté n’est pas technique, les lobbys de l’électricité et du nucléaire s’attachant à peser sur les politiques de tout leur poids. Et comme ces deux là sont copains comme cochons… Un motif de plus pour changer de président.

J’aurais aimé être présent dans cette chaîne et me faire entendre. J’en ai été empêché, ayant réservé depuis 6 mois une place à l’Opéra de Lyon pour assister au Parsifal de Wagner. 6 heures fabuleuses hors du monde qui court et crie, féeriques et inoubliables. Ce billet sera donc ma modeste participation pour demander la sortie du nucléaire.

Parce qu’il faut sortir du nucléaire, vite.