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Moi, sans enfants

Publié le 12 mars 2012 par Lesimparfaites
Je n'étais pas destinée à avoir d'enfant. Si je n'avais pas tout tenté (et re-tout tenté encore avec, cette fois, une bonne dose de chance) pour en avoir, je serais aujourd'hui un femme au bord de la quarantaine sans enfants (comme plusieurs d'ailleurs). C'était ma dernière chance, ça a marché, mais ça aurait pu ne jamais se produire. J'y pense souvent. J'ai pigé le numéro chanceux cette journée-là quand mon test de grossesse s'est révélé positif après trois ans d'échec. Mais il aurait pu être négatif et tout le reste de ma vie en aurait été bouleversé. Qui serais-je alors? (moi, selon ma personnalité, je ne généralise pas cela à toutes les femmes de 40 ans sans enfant, c'est de l'introspection et, avis à toutes les crinquées, je ne juge pas de façon déguisée!)
J'aurais sans doute commencé une thérapie pour faire mon deuil d'enfants et supporter de voir une femme enceinte sans avoir le goût de la faire tomber par terre la face en sang. Cette thérapie durerait sûrement encore aujourd'hui, presque 10 ans plus tard. Je me serais donc regardé le nombril pendant tout ce temps. Mon ''moi'' prendrait beaucoup de place. Et je serais sûrement aigrie, malgré la thérapie, parce que je n'aurais jamais réussi à «voir positivement» cet échec.
Je n'aurais sans doute pas franchi le pont vers le 450. On se serait acheté un condo minuscule à un prix de fou, en ville, avec seulement une chambre et un bureau. On aurait un chien qu'on traiterait comme un enfant et qui dormirait dans notre lit (c'était comme ça avant d'avoir nos enfants, ça n'aurait sans doute pas changé... Bon, le chien ne serait plus le même car sinon il aurait 21 ans! ;-)
J'aurais plus de souvenirs de voyages accrochés sur mes murs et je ne saurais plus trop où aller en vacances. Je ne serais pas bien chez nous. C'est clair que je fuirais à la moindre occasion. J'irais voir tous les spectacles, mes RÉER seraient tous passés dans les restos. Je serais un Guide Restos Voir ambulant, un peu blasée de l'huile de truffe. Je sortirais encore dans les bars et je saurais quel est le drink in à commander. J'irais chez le coiffeur régulièrement, je ferais du shopping les jeudis soirs au centre-ville, j'irais au cinéma les vendredis soirs et parfois le dimanche après avoir fait la file pendant une heure pour un brunch sur le Plateau. J'aurais vu tous les films en nomination aux Oscars, aux Césars, aux Jutra et je saurais qui est Anne Émond. J'aurais plein de sacoches, dont certaines en matériaux recyclés qui coûtent la peau des fesses, et je me paierais des crèmes pour le visage à 80$ le 80 ml. Je n'aurais pas les pieds râpeux et je partirais souvent en weekends dans des auberges aux quatre coins du Québec avec mon amoureux (qui serait sans doute le même, je crois bien) car je serais toujours fatiguée. Je vivrais dans un tourbillon pour avoir l'impression d'avoir une vie bien remplie.
Je gâterais les enfants de mes amis avec un pincement au coeur. Je leur servirais tous mes bons conseils sur la façon d'éduquer leurs enfants... et je braillerais tout le long en traversant le pont sur le trajet de retour (ce que je faisais, je l'avoue, avant d'avoir des enfants). Je ferais sans doute du bénévolat. Je serais une Grande Soeur, j'aiderais du monde, ça me ferait du bien. Je participerais à des campagnes de financement, j'irais marcher pour des causes, je taperais sur les nerfs de mes proches avec tous mes projets à financer.
Mais j'aurais peut-être quand même un ou deux enfants. La banque mixte du Québec nous avait appelé pour poursuivre les démarches d'adoption le lendemain de mon retour de l'hôpital avec Lolo. Ça faisait deux mois que je passais mes journées en néonatalogie à l'hôpital Sainte-Justine. J'étais désorganisée d'être tout à coup à la maison sans appareil pour me dire si son coeur tenait bon (ou non). J'ai annulé toutes les démarches et les années d'attente en un seul coup de fil. La dame m'a souhaité bonne chance avec mes triplés et c'était réglé. Mais cet appel aurait pu donner un tout autre sens à ma vie, à ce moment-là.
C'est fou la vie pareil! (quand on s'arrête deux minutes pour y penser!) Vous aussi, votre vie s'est sûrement tracée à un moment précis, par un choix que vous avez fait, une décision qui a changé le cours des choses.
«Rien n'arrive pour rien.» C'est la phrase et le conseil le plus éculé qui soit mais il reste tellement vrai, malgré tout. J'aurais sans doute trouvé mon bonheur, quelle qu'aurait été ma vie, mais je suis franchement heureuse qu'elle se soit déroulée ainsi. Avec trois enfants qui ne cessent de m'étonner... et aucune idée du drink in à commander dans les bars! (le mojito, c'est out, hein?)

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