Le titre est à double sens : y a-t-il une personne ou n’y a-t-il personne dans cette femme ?
La question est posée de livre en livre par Chloé Delaume, personnage de fiction, qui habite le corps d’une femme. Donc ce corps est, serait vide ? « Dans le réel, je n'existe pas. Je voyage sous le nom d'une autre, j'ai usurpé son corps et ce corps se rebelle. »
Et Chloé Delaume, « auteur, narratrice, héroïne », évoque ses amours, du réel, de la fiction indissolublement liés. Elle tire les cartes de l’oracle de Belline. Elle aime ça, les jeux, et creuse l’avenir puisque, pour le passé, elle a déjà donné. « Je suis en plein réel et vous en pleine fiction. »
Mais, depuis plusieurs livres, j’ai l’impression qu’elle est encombrée de son personnage de fiction, qu’il lui prend sa substance, qu’elle voudrait s’en défaire : elle l’avait laissé chez les Sim’s, elle avait créé Clotilde Mélisse… Ici, elle nous prend à parti. Nous, lecteurs, chaque lecteur. Elle a raison : si je lis les livres de Chloé Delaume, et si j’en apprécie l’écriture où manquent souvent les articles (c’est pourquoi le titre a double sens), où l’alexandrin est toujours en embuscade (relisez le titre en rendant muets tous les "e" qui terminent les mots : « Chloé Delaume, un’ femme avec personn’ dedans »), n’est-ce pas parce que j’y trouve quelque chose de moi-même ? Je ne sais pas encore quoi, mais je pense que c'est sa façon de vouloir, par l'écriture, transformer le réel. René Char a écrit : « La réalité ne peut être franchie que soulevée ». Mais Chloé Delaume ne cite pas René Char. Elle cite, entre autres, Gérard de Nerval, le Petit Robert, Sylvain Courtoux, J. L. Borgès, Judith Butler, Antonin Artaud, l'Apocalypse. Elle nous invite à nous préparer à l’apocalypse individuelle, à la révélation, celle qui est dans le livre qui « sera amer à tes entrailles, mais [qui] dans ta bouche sera doux comme du miel ».