A-t-on trouvé la pilule antiraciste ?

Publié le 12 mars 2012 par Copeau @Contrepoints

A-t-on découvert une pilule qui rendrait les gens moins racistes ? A-t-on établi la supériorité intellectuelle des gens de gauche sur ceux de droite ?

Par Marc Crapez.

Des chercheurs de l’Université d’Oxford auraient montré qu'un médicament pour abaisser le rythme cardiaque, le Propranolol, connu en France sous le nom Avlocardyl, pourrait éliminer les attitudes racistes chez les gens.

De l’Avlocardyl a ainsi été administré à 36 cobayes, racistes et blancs bien sûr. Il est question de renouveler l’expérience contre l’homophobie. En début d’année, c’est une autre équipe « scientifique » qui « établissait » la supériorité intellectuelle des gens de gauche sur ceux de droite.

La vérité est que les valeurs étant arbitraires, les systèmes d’idées sont multiples sans qu’on puisse trancher entre eux. À tout prendre, ce seraient plutôt le bon sens et le libéralisme qui sont « supérieurs ». Leur sobriété idéologique aide à discerner, sinon les idées vraies, du moins les idées fausses, un peu à la manière dont Simone Weil déclarait : « Il ne dépend pas de nous de croire en Dieu mais seulement de ne pas accorder notre amour à de faux dieux ». Ce qui ne signifie pas, a contrario, que toutes les variantes du bon sens et du libéralisme favorisent ce discernement.

Toujours est-il que ces histoires à dormir debout contre la droite ou le racisme ne sont pas surprenantes. Il fut un temps où des électrodes étaient chargées de remettre dans le droit chemin ceux que l’on appelait alors les pédérastes. Pas étonnant que dans Le Meilleur des mondes, Huxley imagine l’absorption de pilules pour remettre les idées en place.

Avatar du scientisme

La première explication est qu’il s’agit d’un avatar du scientisme. En Union soviétique, le réactionnaire était considéré comme un arriéré à rééduquer, à soigner pour son bien et celui de la collectivité. Quiconque pouvait être regardé comme déviationniste. La police de la pensée pouvait s’exercer par la psychiatrie pour traiter les idées défendues comme des tares à faire taire.

Nos sociétés pathologisent également les idées déviantes, qui ne sont plus considérées comme des idées adverses mais comme des phobies ennemies. En langage codé, une échelle de gravité voit se succéder l’ambiguïté, l’amalgame, le fantasme et le dérapage. Un propos n’est plus inexact, partiel ou problématique, il est décrété fermé, frileux ou dépassé, voire abject, ignoble ou nauséabond.

Au sociocentrisme horizontal de jadis, consistant à se sentir supérieur aux mœurs des « sauvages », a succédé un sociocentrisme vertical, consistant à honnir ses aïeux, et même un sociocentrisme méthodologique, une répulsion ethnocentrique consistant à mépriser les autres façons de raisonner.

Dans ces conditions, ont été échafaudées les notions de « crispation » culturelle, de « durcissement » politique et « d’ouverture » intellectuelle, qui sont des naturalisations biologisantes, sans valeur sociologique, mais à haute teneur idéologique : être de droite serait le premier stade du « repli sur soi » et le racisme son stade ultime.

La seconde explication tient au déséquilibrage de la communauté scientifique du fait de l’entrée massive d’idéologues épurateurs. Il y a maintenant davantage d’universitaires spécialistes de l’extrême-droite (pour l’essentiel d’ex-militants d’extrême-gauche) que d’intellectuels d’extrême-droite et il n’y a plus d’universitaires d’extrême-droite. Mais l’épuration ne s’arrête pas là : les conservateurs suivent, les libéraux sont en cours de traitement et les centristes sont les prochains sur la liste.

L’effet pervers de cette consanguinité se fait sentir au fil du temps en générant de nouvelles perceptions. Faute de contradicteurs, des strates successives consolident l’univers de références de groupes capables de produire dans leurs rangs de nouvelles catégories de perception de la société. Se trouvent renforcées des sensibilités qui raisonnent désormais en toute quiétude, en circuit fermé, sans la moindre lueur de contestation, de rectification ou de contradiction.

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