Maupré © Ankama - 2010
Tout commence par une pendaison, celle de la Comtesse de la Fère. Là où le bât blesse, c’est que la belle n’est pas morte et qu’elle reprend connaissance. Elle parvient à se défaire de ses liens et décide de partir en Angleterre.
La Côte anglaise. Le coin le plus misanthrope que j’aie pu trouver pour m’exiler. Le vent qui déblaie les souvenirs ou mieux encore, la conscience. La pluie salée qui émousse et délave une terre parfaite pour les fantômes.
Elle y rencontre Lord de Winter, l’épouse. Elle ne profite que peu de temps de ce bonheur puisqu’il décède deux mois après les noces. Le lendemain des funérailles, Milady découvre qu’elle est enceinte. La grossesse accompagnera donc toute la période de deuil. A la veille de l’accouchement, Richelieu rend visite à la jeune femme. Le Cardinal trouve les mots justes pour la convaincre de devenir son espionne.
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J’étais réservée quant à l’accueil que je réserverais à cet album. Tout d’abord, je suis toujours très frileuse au moment de découvrir l’univers d’une artiste. J’apprécie rarement les univers pensés par des femmes car je redoute le mièvre et le futile. Ce n’est pas aujourd’hui que je vous apprendrais qu’exceptés les ouvrages de Nancy Peña, Chloé Cruchaudet ou Fumyio Kouno, mes lectures se soldent généralement par un échec.
Agnès Maupré ne déroge donc pas à la règle et ce, malgré les critiques généralement positives que j’ai eu l’occasion de lire sur la toile. Pourtant, la scène introductive de Milady de Winter a eu raison de moi. On y voit une jeune femme entièrement dévêtue et pendue à une branche d’arbre. Voilà une vision bien intrigante, suffisamment intrigante pour me faire baisser la garde et m’inciter à suivre cette jeune femme gonflée à bloc par l’instinct de vengeance. J’ai ensuite acquiescé docilement au moment où elle prend la décision de fuir, de quitter sa vie par la petite porte et tenter de reconstruire quelque chose ailleurs.
A mon tour de galoper loin de ma mort. Nous ne nous reverrons donc pas. Je serais pour vous un fantôme. Je vous hanterai ! C’est une vengeance comme une autre.
Le ton humoristique et libertin de cet ouvrage m’a plu. La manière dont il revisite l’œuvre d’Alexandre Dumas également. Loin de s’affairer à s’attacher au quotidien de D’Artagnan et de ses compagnons d’armes, Agnès Maupré s’attarde sur l’espionne qu’habituellement nous ne faisons que croiser. Elle développe ici un personnage pétillant qui, suite à plusieurs déceptions amoureuses, va faire preuve de plus en plus d’égocentrisme. Une femme à l’esprit de compétition inébranlable, une femme maline et revancharde. Manipulée avec soins par Richelieu, Milady va devenir peu à peu une précieuse alliée pour le Cardinal. Les répliques fusent et le scénario ne s’offre que quelques temps-morts. L’auteure accompagne sa narration d’un graphisme dynamique et nerveux qui recrée parfaitement l’ambiance du 17ème siècle. Ses dessins à la plume sont très agréables et enrichis d’un encrage de gris qui apportent tout un panel de dégradés… l’imagination du lecteur est en marche et appose à ces planches les couleurs qu’il convient. Sur ce point, je rejoints pleinement l’analyse de Lelf dont je vous propose un extrait de sa chronique : « La beauté est renforcée par un choix de cadrages judicieux, associé souvent à de grandes cases lorsqu’Agnès Maupré souhaite que s’exprime toute l’émotion du dessin, qui réside paradoxalement parfois dans un détail, comme un regard. Le gris, omniprésent et doux, permet à la fois de profiter du moindre détail et de ne laisser en avant que l’essentiel » (la suite sur son blog).
Je remercie Jérôme !
Une interview d’Agnès Maupré sur Bodoï.
Les chroniques de Jérôme et des lecteurs de kbd (qui m’ont rabattu les oreilles avec cet album durant le dernier Festival d’Angoulême) : David et Yvan ont une chronique en ligne. Quant à Lunch et Zorg, j’attends de pouvoir les lire ).
Extraits :
« - Et qu’y a-t-il de l’autre côté de l’horizon pour que vous le fixiez avec ces yeux pleins de pluie ?
- J’y suis morte » (Milady de Winter, tome 1).
« Quand je l’ai rencontrée, elle errait sur les falaises, les cheveux trempés comme des algues, on aurait dit un esprit de la mer. J’ai toujours voulu rencontrer une femme véritablement mystérieuse » (Milady de Winter, tome 1).
« C’est la troisième fois que je recommence ma vie. C’est que je ne suis pas capable d’en garder une » (Milady de Winter, tome 1).
« - Il ne me semblait pas que les hommes m’avaient apporté beaucoup d’équilibre par le passé.
- Je sais, vous n’avez pas eu de chance. Mais la solitude n’est pas plus fructueuse » (Milady de Winter, tome 1).
Milady de Winter
Catégorie Métier/Fonction
Tome 1
Série en cours
Éditeur : Ankama
Collection : Araignée
Dessinateur / Scénariste : Agnès MAUPRE
Dépôt légal : octobre 2010
ISBN : 978-2-35910-110-2
Bulles bulles bulles…
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