Sarkozy à Villepinte: rappelez-vous le 14 janvier 2007.

Publié le 11 mars 2012 par Letombe

C'était à Paris, la mise en scène était signée Richard Attias, le publicitaire qui avait déjà chipé le coeur de Cécilia.
On nous annonça 100.000 personnes. On apprit plus tard que la salle ne pouvait en contenir que la moitié.
A l'époque, l'UMP affichait 340.000 adhérents. L'an dernier, le nombre s'est effondré à 170.000, « officiellement ». On murmure qu'ils n sont qu'à peine 100.000.
Ce 14 janvier 2007, Nicolas Sarkozy était arrivé au milieu d'une scène immense entourée de gigantesques drapeaux français. Un show « à l'américaine » qu'il voulait pour marquer les esprits. Nous étions en janvier, et l'UMP investissait son candidat victorieux de fausses primaires à plus de 94% des suffrages.
Ce 14 janvier, Nicolas Sarkozy avait un programme, patiemment établi au fil de la vingtaine de conventions thématiques. Il promettait la Rupture. Il avait un slogan, « ensemble tout est possible ». Il avait une promesse, « Travailler plus pour gagner plus ». Il avait une technique, faire croire qu'il avait changé. Henri Guaino, l'ancien gaulliste reconverti au Sarko-pragmatisme, récitait de mémoire le discours depuis la tribune.


« Mes chers amis, Dans ce moment que chacun devine si important pour la France, si important pour l'avenir de chacune de vos familles, si important pour moi, plus que n’importe quel autre sentiment, ce qui m’étreint surtout c’est une émotion profonde. (...) Cette émotion qui me submerge au moment où je vous parle, je vous demande de la recevoir simplement comme un témoignage de ma sincérité, de ma vérité, de mon amitié »

Nicolas Sarkozy faisait son show. Cinq ans plus tard, on se demandait s'il croyait

« Je le sais aujourd'hui, je n'ai pas le droit de vous décevoir, pas le droit d'hésiter, tout simplement pas le droit d'échouer ! Toute ma vie j’ai rêvé d’être utile à la France, à mon pays, à ma patrie.»

Ré-écouter ou relire ce discours, à plus de 5 ans d'intervalle est une épreuve. Il
Il avait joué l'unité en donnant à chacun de ses rivaux d'hier au sein de sa propre famille un hommage appuyé. Alain Juppé, président-fondateur de l'UMP, mais aussi Jacques Chirac, le grand ennemi de l'intérieur. « Oui, mes chers amis, tous ensemble réunis, unis, solidaires, tout devient possible ».
Unis et solidaires ? Nicolas Sarkozy avait effectivement réussi à rassembler son camp. Tout au long de son quinquennat il parvint à décourager les dissidents, malgré des déconfitures électorales à répétition.
Il invoqua « les héros de la Résistance et de la France Libre, ces hommes avec lesquels j'ai fait mes premiers pas en politique, ces hommes qui venaient d'une époque où la politique s'était confondue avec le patriotisme et l'épopée. » Certains l'avaient pris au sérieux. Sarkozy était né en 1953 mais il avait besoin de s'abriter derrière quelques héros de la Résistance. Il invoqua Gambetta, Mandel, le Général de Gaulle, Zola et Dreyfus, Félix Eboué et Victor Hugo. Depuis 2007, il tutoyait la ségrégation, éructait contre les Roms, dînait au Fouquet's et célébrait le George W. Bush de l'intervention en Irak.
Nous avions la nausée depuis 5 ans.
En relisant le texte de ce one-man-show, on se frottait les yeux. Sarkozy se réclamait du gaullisme; de la victoire de Chirac en 2002; de Jacques Chaban-Delmas « général de la résistance à 29 ans, au rêve si beau, si prémonitoire, de la Nouvelle Société »; d'Achille Peretti, grand résistant, qui lui « confia » son premier mandat de conseiller municipal (pas un mot sur Pasqua); d'Edouard Balladur, évidemment, son mentor de la période Karachi.
Quelques mois, une trentaine précisément, avant l'ignoble discours de Grenoble contre les Roms et l'immgration, Sarkozy se décrivait « petit Français au sang mêlé ».
Déjà, il plongea dans la confession personnelle, l'instrumentalisation de sa « pudeur », propre vie réécrite pour mieux séduire l'assistance et l'électorat. Ce 14 janvier, Sarkozy exhibait sa vie pour mieux convaincre: « Longtemps ce sont des choses que j'ai tues. Longtemps ce sont des sentiments que j'ai gardés pour moi, comme un trésor caché au fond de mon cœur que je n'éprouvais le besoin de partager avec personne. Je pensais que la politique n'avait rien à voir avec mes émotions personnelles ».
Mieux encore: « J'imaginais qu'un homme fort se devait de dissimuler ses émotions. »
Puis il avait enchaîné avec ce brillant paragraphe sur l'auto-changement. Vous souvenez-vous ? Le fameux « J'ai changé ». Pour les esprits simples, ou les spectateurs en quête d'un spectacle facile, c'était brillant:

« J'ai depuis compris qu'est fort celui qui apparaît dans sa vérité. J'ai compris que l'humanité est une force pas une faiblesse. J'ai changé. J'ai changé parce qu'à l'instant même où vous m’avez désigné j'ai cessé d'être l'homme d'un seul parti, fût-il le premier de France. J'ai changé parce que l'élection présidentielle est une épreuve de vérité à laquelle nul ne peut se soustraire. »

Il avait changé et « connu l'échec », « un échec professionnel ou une déchirure personnelle  », et donc il pouvait tout comprendre. Sans rire et sans blague... Quelques gens sérieux mais naïfs dont nous étions pensaient que personne ne pouvait être dupe. Nous avions tort. Nicolas Sarkozy ce jour-là raconta d'immenses conneries, mais tout le monde trouva le discours réussi.
Sarkozy expliqua qu'il avait « changé » après avoir vu « le visage accablé des parents d'une jeune fille brûlée vive »; devant « la douleur qu’éprouve le mari d'une jeune femme tuée par un multirécidiviste condamné dix fois pour violences et déjà une fois pour meurtre »; devant « le mémorial de Yad Vashem dédié aux victimes de la Shoah »; ou quand il a lu « à Tibhirine le testament bouleversant de frère Christian, enlevé puis égorgé par des fanatiques avec six autres moines de son monastère ».
Nicolas n'était jamais allé à Tibhirine mais il avait« compris ce qu'est la force invincible de l'amour et le sens véritable du mot tolérance ». Il n'avait jamais rencontré Georges Mandel (et pour cause), mais il avait eu besoin du symbole pour préparer son élection.
Certains furent subjugués.
Nous étions écoeurés. Mais il fallut attendre 5 ans.
En janvier 2007, il avait changé « parce qu'on change forcément quand on est confronté à l'angoisse de l'ouvrier qui a peur que son usine ferme ». Depuis son élection, un millier d'usines ont fermé. Avait-il encore changé ?
Ce dimanche 11 mars, Nicolas Sarkozy était encore candidat. Il avait encore une grande scène avec de gigantesques drapeaux français. Il se cherchait encore des excuses au changement.
Qui serait subjugué, convaincu, puis trompé ?


Discours Nicolas Sarkozy - 1ere partie par fx_serafino Sarkofrance

Discours de N. Sarkozy, pas à la hauteur de l'événement annoncé