Hélène, une française de 35 ans, qui tente d’oublier son amant Anton rencontre fortuitement dans un compartiment du Transsibérien Aliocha, conscrit russe, appelé en Sibérie pour y exécuter ses obligations militaires auxquelles il aimerait échapper par tous les moyens possibles. L’obstacle des langues les empêche dans un premier temps de bavarder mais ils arriveront à se comprendre petit à petit et poursuivront ce voyage insolite, s’évadant chacun à sa manière, fuyant pour l’une un amour et pour l’autre le devoir militaire…
Pendant quelques jours, Aliocha et Hélène vont partager cette promiscuité secrète et imposée, tous deux contraints à une fuite qu’elle soit sentimentale ou militaire.
Par une plume magistrale, l’auteur fait résonner les mots comme une douce mélopée. Elle plante le décor dans une Russie glaciale et nous balade dans les paysages désolés de la taïga délicatement givrée, où la nature a revêtu un manteau gris, un peu élimé.
Comme dans son excellent roman « Naissance d’un pont » Maylis de Kerangal nous transporte et nous emmène aux côtés de ses personnages, cette fois à l’intérieur d’un train où règne une atmosphère pesante, où l’on sent retentir les échos d’une Russie toujours militarisée, tandis que chaque gare traversée est comme un arrêt sur image, une pause bénéfique. Au dehors l’on aperçoit la beauté de la steppe baignée de rivières aux reflets irisés et on se laisse porter par la grâce et la poésie qui émanent d’Hélène donnant à ce train exhalant un parfum viril et rustre une délicatesse inespérée.
L’auteur nous parle avec beaucoup d’intensité de cet amour improbable, de la rencontre de deux âmes meurtries se laissant doucement glisser sur les rails découpant un paysage austère, si beau mais désespérant…
Troublant et passionnant… Un très beau voyage de l’âme
Tangente vers l’est de Maylis de Kerangal, éditions Verticales
Date de parution : 12/01/2012