Lundi 05 Mars :
Aujourd’hui, on va, Karine et moi, faire du coulis de fraise. Cool ! Quand on rentre dans le labo qui, soit dit en passant, n’a de labo que le nom, deux énormes récipients contiennent quantité de fraises qui ont décongelées pendant la nuit. Dans la pièce, une suave odeur met mon odorat en ébullition. « M’enfin, c’est rien là ! » que Karine me glisse toute souriante, avec un charmant accent Belge à couper au couteau, voyant mon enthousiasme olfactif !
En effet, quelques minutes plus tard soit, entre 184 et 211 secondes plus tard, le feu sous les gamelles active le tout et alors là, alors là, c’est terrible ! La fraise envahit l’espace. Une fois bien décongelées, on balance toutes les fraises dans un gros robot (soit, un robot Américain!) qui sépare les torchons des serviettes, ce qui ne se fait pas sans quelques éclaboussures fraisistiques et on obtient ainsi, en deux-deux, un joli liquide rose bonbon recouvert d’une jolie mousse qui ne l’est pas moins (rose hey patate !).
On remet le tout sur le feu, on ajoute du sucre (400 g pour 1 kilo) et on porte le tout à ébullition pour une cuisson de 5 à 10 minutes (soit environ 8 minutes) en évitant que le liquide ne déborde, ce qui est, tout comme le lait, la caractéristique du coulis de fraise.
Ensuite on verse le coulis dans des bouteilles en rouge, euh…en verre que l’on pasteurise au moins 10 minutes (soit environ 14 minutes) dans de l’eau bouillante une fois qu’elles sont pleines et fermées (pleines et fermées, ça c’est pour ceux qui lisent l’article avec un œil ! Pas toi ? Ouais c’est ça, mon œil!). Trois heures plus tard nous avons une vingtaine (soit entre 18 et 22 ) bouteilles de coulis de fraise.
Avant de rentrer pour le déjeuner, il nous reste une petite heure à tuer. Alors, Karine ramène des kilo et des kilos de cassis congelés. « Avant de le transformer en coulis, demain, on doit le trier. Tu sais me faire ça ? » que me dit Karine, avec sont accent Belge qui me fait sourire de plaisir. Alors, moi, pas chiant, je trie. Pourquoi je te raconte ça ? Bus (rigolo celui là!) après une petite heure de ce travail, mes mains de bourgeois sont tâchées gravement et il reste des kilo et des kilo de cassis à trier. Demain, mes mains vont être dans un état qui ne te laisserait pas entrer, même, avec un passeport Français en bonne et due forme !
Cet après midi, mains violette-noir-pourpre-mauve ou pas, c’est RANDO !
Comme c’est bon de se balader mains dans les poches à la découverte des paysages de mon pays. Comme c’est bon ces quelques flocons de neige et ce doux soleil Corrézien. Je marche, je tourne la tête en tous sens, à l’affût d’un truc qui pourrait être sympa à regarder. Comme un sapin taillé en forme de goutte d’eau, un chat noir qui traverse la route devant moi, un nom de lieu-dit rigolo, une maison qui a l’air bien agréable a vivre, un signal peint sur un arbre à l’attention des randonneurs, un potager mal entretenu et tant d’autres choses. Il y a tant à voir. Je marche. Comme c’est bon de chercher quand on à rien à trouver. Comme c’est con de suer quand on a rien à prouver. Comme c’est long de marcher quand il n’y a pas d’arriver. Et quand c’est long, c’est bon. Je profite un max.
D’aucuns disent, ou plutôt pleurent, que la vie est trop courte. « Oh mon Dieu, c’est horrible comme la vie est courte. C’est injuste et terriblement triste ! » qu’ils disent, ou plutôt qu’ils pleurent. Alors je dis (oh oh oh oh oh, vendeurs de larmes) mais non, Raymond ! C’est tout le contraire. Tu te goures, crois moi ! Il existe, en ce qui concerne le désir et le plaisir, une théorie qui dit : rareté = qualité. Imagine (all the people) juste deux secondes que tu obtiennes la vie éternelle. Vas-y, ferme les yeux et imagine que tu ais l’éternité devant toi ! Ne serait-ce pas un calvaire ? Plus rien n’aurait de sens. Il ne nous resterait plus qu’a se poser sous un arbre et attendre, attendre, et attendre encore ou bien faire ceci et après cela et encore ceci ou bien autre chose et encore ceci après cela, jusqu’à la folie ! C’est justement parce que la vie est courte qu’elle peut être fabuleuse en lui donnant un sens, du sens. La rareté = la qualité, c’est mathématique, ou presque !
Je prend un exemple : Ton kif, c’est le Magnum vanille avec sa fine couche de chocolat noir craquant avec morceaux d’amande et tout le tintoin, ton kif. Tu en désire un ardemment. Devine quoi, je t’en donne un. Cool, t’es content, c’est bon, très bon, tu kif. Tu fini ton truc. A peine as tu essuyé tes lèvres que je t’en donne un deuxième. Ok, cool, c’est jour de paye ! Le mastodonte est terminé, ouf ! Le bâton nu dans la main, je te présente un troisième Magnum, ton kif absolu. Pourtant, tu fais de gros yeux. Euh…bon ok puisqu’il faut le manger. Quand le troisième est terminé, t’es gavé. Je t’en présente pourtant un quatrième ! Tu me le mets au travers de la goule, le quatrième, c’est sûr ! Certain vont le manger ce quatrième Magnum, possible. Mais ils s’arrêteront eux aussi à un moment, dégoûtés, après le dixième ou le quinzième délice glacé !
Tout ça pour dire que quand on désire quelque chose et qu’on l’obtient, si on l’obtient encore et encore, on fini par être dégoûte par ce quelque chose que l’on a pourtant violemment désiré. Et cette théorie est valable pour tout, pour tout ! Si tu m’crois pas, vas-y, avale douze Magnum à la vanille avec cette fine couche de chocolat noir avec morceaux d’amandes et tout et tout, tu verras !
Alors, c’est vrai, la vie est courte, mais pour moi, ce n’est pas un problème, oh que non. Mourir n’est triste que lorsque l’on a pas vécu, hey Lulu ! Et pendant cette balade, j’étais bien vivant, poils aux dents !
C’était la pensée du jour.
Jeudi (oh oh oh oh oh, tous trafiquants d’armes!) 07 Mars :
Je suis à Treignac depuis une semaine. Il est 18h 14, c’est l’heure du premier bilan. Le village est absolument superbe, très pittoresque. Il est sur la route de Saint Jacques de Compostelle, c’est dire ! Et que dire des alentours. Les balades et les footings sont, dans ce coin, un vrai plaisir. Ça monte, ça descend, ça serpente, ça ruisselle, ça rumine, ça piaille, ça fait « meuuuuh », c’est très beau. Comme a dit quelqu’un qui vieillit : « C’est loin mais c’est beau ! » (si tu trouves qui a dit ça, un point pour toi!).
Les activités que l’on me propose ici sont très intéressantes. La réalisation de confiture, de coulis, la taille des arbustes à fruits rouges, tout ça me plaît bien, pas de problème à signaler. J’ai pas mal cuisiné ces derniers jours. Louise et Eliot, comme tant de gamins, sont friands de gâteaux et autres gourmandises. On a fait des cakes aux fruits secs, des cakes aux fruits pas secs, un crumble aux myrtilles sauvages à se taper le fesses par terre, des cannelés Bordelais à la mode Corrézienne fait part un Angevin, de la glace à la vanille pleine de vanille et d’autres bricoles de cet acabit. Rien à signaler de ce côté là non plus.
Le hic, si on peut appeler ça un hic, c’est l’ambiance entre les parents et moi. Pas de guerre, pas de problème particulier mais pas la fête non plus, pas vraiment cool (presse qui roule). Je pense qu’ils sont très stressés et qu’ils ne peuvent donc pas trop s’intéresser à moi. Non pas que je demande que la lumière soit constamment braquée sur moi, mais tout de même, je me sens comme un meuble qui, contrairement aux autres (meubles patate!), parle, rien de plus. Pas d’échanges, pas de partage. Pas très exaltant tout ça. Je comprends, ce n’est certainement pas évident d’accueillir un inconnu au sein de sa famille et de son intimité. Je pense qu’accueillir un WWOOFer, c’est comme le reste, ça s’apprend. Je suis le premier WWOOFer qui partage leur table et j’ai le sentiment qu’ils se méprennent un peu sur l’esprit du WWOOFing. Pour moi, le WWOOFing met l’accent sur le côté humain, le partage, l’envie de rencontrer l’autre. Pour accueillir un WWOOFer (pardon pour la répétition mais si je mets TYHOPE, ça n’a plus de sens!) il faut être sacrément ouvert d’esprit et disponible. Ce n’est pas toujours le cas, car nombreux sont ceux qui sollicitent des TYHOPE (si maintenant, ça a du sens!) car ils sont submergé de travail. C’est justement là que pour moi, la différence se fait entre les « bons » hôtes et les « moins bons ». Je ne dis pas qu’ils n’ont pas été bon avec moi, ils ne me m’ont pas maltraité, loin de là. Juste trop préoccupés, pas vraiment là. Bref, la mayo ne prend pas et ça craint car j’adore tant la mayo qu’il m ’en faut des caisses chaque jour ! Pour autant tout va bien car comme le dit Daroussin dans un super film dont j’ai oublié le titre : « Y’a pas mort d’homme ! ».
J’ai donc contacté un fermier dans le coin, entre Brive la gaillarde et Cahors. Ce fermier, Patrice, qui vit dans une maison en paille auto-construite et qui fait de l’elevevage, m’attend samedi prochain. Le nom du bled : Gramat. Donc, direction Gramat, midi-Pyrénée, France.
Je suis un homme libre et c’est si bon. Je pense qu’il est temps de tourner la page Treignac et d’aller voire ailleurs si j’y suis. Je tourne la page. Rien de plus simple.
Samedi 10 Mars :
Je débarrasse la table, je mets mon bol dans le lave-vaisselle, je range le pain, je lave la table, je plie ma serviette, le petit déjeuner est terminé. L’ambiance est…glaciale. J’essaie de mettre le plus de chaleur possible dans mon salut et je sens bien qu’ils font de leur mieux également mais, quand le cœur n’y est pas, pas simple de le faire croire. Hier, il y a eu un plan foireux à mon égard, rien de bien méchant mais quelque chose qui ressemble quand même à une sorte de punition pour me faire payer mon départ précoce et, évidemment, je leur ai fait part de mon désaccord et, rare sont ceux qui aime ça.
Toujours est-il que ce matin, je suis sur le départ. Il est 08h30, on ne me propose pas de sandwich pour la route, on me souhaite une bonne continuation, je descends les escaliers de bois, j’ouvre la porte de la maison, je caresse le chien, je traverse le village, je pose mon sac sur l’herbe brûlée par le froid et je sors mon carton avec écrit dessus, en caractères Américains: TULLE. Mon itinéraire du jour est :Treignac, Tulle, Brive la Gaillarde, Payrac et enfin Gramat, environ 170 kilomètres.
12H30, je suis à Gramat ! Cool ! Celui qui dit que le stop en France ne marche pas, est un boni and clyde, euh…un bonimenteur, pardon ou encore, un nase Américain (si tu piges pas, franchement, peux rien pour toi !). Le stop est, presque, un art. Il faut bien observer la carte et mettre le « bon » nom de ville sur son carton, trouver la bonne place, de loin le plus difficile et aussi, il faut un brin de chance.
Cette session de stop a été une réussite. Un couple d’anglais m’a permis de pratiquer my Inglish, it was very funny, hey Billy ! Un Italien artiste peintre super sympa m’a dégoûté du métier de peintre et un monsieur, plein aux as, au volant d’une voiture presque aussi énorme que ta bêtise (c’est dire le calibre!) à redoré le blason, auprès des auto-stoppeurs, des propriétaires de grosses bagnoles qui jamais ne s’arrêtent, JAMAIS, sauf là! Quand ce charmant monsieur me dépose sur le bord de la national, à 10 bornes de ma destination finale, que vois-je ? Allez quoi devine cousine ! Un autre auto-stoppeur exhibe son pouce, comme ça, sans gêne apparente, le con ! Ça craint ! Je m’approche de lui, je le salut et là le mec, il ronchonne, il geint, il bougonne. Le râleur me dit que ça fait deux heures qu’il abricotte (y’a pas que la poire dans la vie!) et me fait bien comprendre que mon arrivée, sur la national 140, les lui brise ! J’ai l’impression d’être dans Pékin express, je le laisse en amont de la route pour qu’il soit pris le premier, normal et je m’éloigne de trois cents mètres en direction de Laval (on peut bien rigoler, non !). A peine ai-je posé mon sac à dos par terre qu’une voiture s’arrête à son niveau, le re-con ! Il faudra qu’il fasse brûler un cierge pour moi, je suis sa bonne étoile du jour ! Je le vois qui discutaille le bout de gras avec le chauffeur et, y’a pas de raison, je tente ma chance. Et je cours (je me raccroche à la vie), la voiture est vide, devrait y avoir une place pour moi.
Dix minutes plus tard, le chauffeur, le râleur et moi-même sommes à Gramat. Mon aventure Pékin-express du jour se termine, il fait beau, les oiseaux chantent et Patrice m’attend, non pas au tournant mais, dans sa maison de paille. Tout va bien, j’ai même du temps pour visiter Gramat. Tout va bien.
La rencontre avec Patrice est simple, rapide, saine et prometteuse. Il me fait visiter son domaine, sa ferme en paille comme il se plaît à le nommer. Il y a plusieurs bâtiments, tous de paille bien sûr et le coin est vraiment charmant. Il élève quelques brebis, quelques lapins et quelques cochons mais sa principale source de revenus vient de son gîte et de son camping. Au plus fort de la saison il peut, me dit-il, y avoir 80 personnes au camping, quand même.
Il me montre la petite maison que je vais occuper pendant mon séjour ici. C’est rudimentaire mais ça fera l’affaire. Ce n’est pas la première fois que je dormirais sans chauffage, il y a des couvertures et un toit, tout va bien.
J’ai faim. Le petit déjeuné est loin. Patrice me sert une pleine assiette d’une soupe comme on en fait dans les campagnes. Des légumes entiers, un jarret de porc, du pain et du fromage. Je me régale.
L’ambiance est tout autre ici. Je sens que je vais être bien. Patrice a tout d’un homme simple et ouvert d’esprit, cool ! La semaine prochaine, trois WWOOFers vont venir s’installer à la ferme de paille. Patrice m’annonce, une jolie flamme dans les yeux, qu’en fin de semaine prochaine, on tuera, tous ensemble, non pas la pianiste mais deux cochons Américains de 150 kilos chacun, gloups !
So ! This is the end.
A good trip for a good life !