Raisonnable, focalisée sur le concret, avec des idées certes intéressantes,
Corinne Lepage n’arrive pas à se faire entendre. Malgré son épaisseur intellectuelle, est-elle pourtant au bon endroit pour influer efficacement sur la société
française ?
Corinne Lepage est une indépendante. Elle prône l’écologie avec une particularité originale : les
progrès écologiques ne pourront jamais se faire sans intérêt économique. Pour elle, la préoccupation sociale est aussi importante que la priorité environnementale et c’est sans doute ce qui la
distingue d’une Eva Joly plus punitive que positive.
De l’indépendance, donc, et surtout, de la ténacité. Car avec moins de la moitié d’un pourcent dans les
sondages, il en faut, de la persévérance, pour croire qu’elle a raison de s’engager.
Elle n’est pas une inconnue. Grande avocate des causes écologistes : Amoco Cadiz (16 mars 1978) est la
première référence sur son CV. Mais il y en a d’autres : Cattenom et Creys-Malville, par exemple, ou encore Erika (12 décembre 1999) et La Faute-sur-Mer dévasté par Xynthia (28 février
2010).
Docteur en droit, professeur à l’IEP Paris, elle est une experte qui compte dans le droit
environnemental.
Ministre de l’Environnement quelques jours après son 44e anniversaire, ce n’est pas mal pour
quelqu’un qui n’a jamais fréquenté les partis bien établis. Si le RPR est une multinationale, le MoDem une PME, alors, elle, son petit parti, son nanoparti, Cap 21, fondé en 1996, est carrément
une TPE voire une EURL.
L’un de ses dadas, comme je l’ai écrit en introduction, est de montrer que l’écologie peut contribuer à la
lutte contre le chômage alors que les Verts font tout pour faire croire que l’écologie va à l’encontre de l’économie ; elle doit au contraire la compléter et l’associer.
C’est elle aussi qui institue la surveillance permanente de la qualité de l’air dans les grandes villes avec
réduction de la circulation automobile en cas de grande pollution pendant l’été (loi du 30 décembre 1996).
Les deux ans ministre d’Alain Juppé l’ont un peu marquée politiquement. Alors, elle s’est autonomisée.
En juin 1997, elle échoue aux législatives à Paris face au patron du PS parisien (avec un score respectable).
Et changeant d’adversaire, en mars 1998, elle échoue aux régionales face à une liste de droite en Basse-Normandie.
Candidate à l’élection présidentielle lors de ce fameux 21 avril 2002. Elle est arrivée avant-avant-dernière. Avec un peu moins de 2%.
C’est sûr, ce n’est pas la star charismatique. C’est une studieuse, avec dossiers bien renseignés et l’air
sage de l’écolière qui veut briller d’abord par les bonnes notes. Ce qu’elle dit est plutôt raisonnable. Mais rarement passionnant.
C’est déjà un petit capital, ces presque cinq cent trente-six mille électeurs de 2002. Elle s’unit avec l’UDF
pour les régionales de mars 2004 mais reprend son indépendance pour les européennes de juin 2004.
Du coup, elle arrive avec armes et bagages (sa TPE) au MoDem. Elle devient filiale de PME. Au début, ça va.
Elle apporte au centriste sa notoriété écologique. Elle se fait ainsi élire députée européenne en juin 2009. Sans trop d’incertitude car elle est tête de liste.
Mais patatras ! Le 17 mars 2010, elle lâche l’affaire. Autoritarisme, manque d’écoute… Elle ne peut plus travailler avec un autre ego. Trop d’ego tue
l’ego. Les régionales de 2010 ont en fait laissé de vives traces : elle avait préféré s’allier avec
gauche, avec les verts plutôt qu’avec l’orange centriste.
Elle compte alors bien concourir pour le championnat des Verts. Hélas, le choc de deux célébrités (une juge et un présentateur de télévision) l’éclipse du débat. Elle n’est même pas candidate à la candidature. Car
elle ne semble pas avoir sa place. Pourtant, elle comptait sur cette tribune.
Résultat, comme une huître, on rentre dans sa coquille et on reste autonome. Candidature confirmée pour 2012 lors de quelques rares minutes au journal de TF1 (le 4 octobre 2011). Elle aura 61
ans à l’issue de l’élection présidentielle.
Isolée ? Ambitieuse ? Pas forcément. Malmenée par la droite entre 1995 et 1997, elle a eu deux
propositions pour être encore ministre sous Sarkozy : en mai 2007, Bernard Kouchner lui a proposé au quai d’Orsay d’être Secrétaire d’État à la Francophonie et en juin 2007, Jean-Louis Borloo lui a proposé d’être sa Ministre déléguée aux Transports. Elle a refusé les deux fois car elle
n’a pas pensé être en phase avec la majorité sur plein de sujets.
Très liée à Daniel
Cohn-Bendit, elle ne se mêle pas avec les Verts car elle trouve qu’eux prônent une « écologie de punition » alors qu’elle veut une
« écologie de solution » (notamment à la pollution mais aussi au chômage).
Elle est très discrète en ce moment. Enfin, plutôt, les médias la boudent. C’est sûr, elle ne ferait pas
dresser l’audimat. Elle est en soldes. Les experts se demandent si elle partira finalement ou si elle abandonnera, comme en 2007.
Les paris sont ouverts.
Les jeux ne sont pas encore faits.
Si ce n’est
que ce monde n’est pas vraiment fait pour elle.
Elle, toute placide, elle s’applique à exprimer quelques
idées, pas à faire du chiffre.
Si elle n’a pas ses parrainages, il est fort probable qu’elle rejoigne… François Hollande, comme l’a déjà fait Jean-Pierre Chevènement.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (10 mars
2012)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Candidature de Corinne Lepage (4 octobre 2011).
Corinne Lepage quitte le MoDem (17 mars 2010).
François Bayrou.
Eva Joly.
Jean-Pierre
Chevènement.
Hollande
coincé entre Chevènement et Eva Joly.
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/corinne-lepage-l-autre-candidate-112111