Les Editions du SEUIL
viennent de publier au format poche dans la
Collection Points Economie
« Repenser l’inégalité »
par
Amartya SEN
Voilà un ouvrage Majeur dans la Pensée Economique Moderne.
L’ouvrage avait été publié une première fois par les éditions du SEUIL en 2000.
Je tiens à rappeler ici que la conception de la Démocratie d’Amartya SEN est à la base de l’état d’esprit de ce blog et de son auteur.
J’ai publié plusieurs articles sur la question des inégalités et vous en trouverez les liens en bas de page.
Je vous invite vivement à lire ce livre qui permet non seulement de mettre en perspective les différentes conceptions de l’inégalité
mais qui permet également de faire avancer la réflexion sur ce thème dont SEN est un des plus grands spécialiste dans le monde puis plusieurs décennies
Amartya SEN à reçu en 1998
le Prix Nobel d’Economie.
Dans la préface (p.9 à 17) de cet ouvrage
« Repenser l’inégalité », Amartya SEN écrit ceci :
« Comme l'indique son titre, ce livre entend porter un regard nouveau sur l'inégalité.
Mais il se propose aussi d'évaluer les modes d'organisation sociale en général : l'inégalité en dépend. »
Égalité de quoi ? préface (p.9 à 17)
« La question clef pour analyser et mesurer l'inégalité, c'est : « Égalité de quoi ? »
« (…) les éthiques de l'organisation sociale qui ont résisté à l'épreuve du temps ont quasiment toutes en commun de vouloir l'égalité de quelque chose (…). Non seulement il existe des « égalitaristes du revenu » qui veulent les mêmes rentrées d'argent pour tous et des « égalitaristes du bien-être social » qui revendiquent un accès égal à ce bien-être, mais les utilitaristes classiques préconisent, eux aussi, que l'on accorde une importance égale aux « utilités (a) » de tous, et les libertariens (b) purs que l'on reconnaisse à tous l'égale jouissance d'une classe entière de droits et de libertés.
Tous sont « égalitaristes » sur un point crucial - ils prônent résolument l'égalité de quelque chose que tout le monde devrait avoir, et qui est absolument vital dans leur approche particulière. Lorsqu'on perçoit le combat d'idées comme un affrontement entre partisans et adversaires de l'égalité - ce que font souvent les écrits théoriques -, on manque donc une caractéristique essentielle du sujet. (…)
a. Le terme « utilité » désigne les plaisirs, les désirs, les préférences de chacun. L'utilitarisme préconise de maximiser l'« utilité sociale », somme des utilités individuelles.
b. Aux États-Unis, les libertariens, se posant en défenseurs intransigeants de la liberté individuelle face à l'État, critiquent ses prélèvements fiscaux, ses dépenses sociales, ses interventions dans l'économie, ses réglementations en faveur des minorités, etc., que soutiennent au contraire les libérals. »
Égalité centrale, inégalité induite
Assigner le premier rôle à la question « Égalité de quoi ? » invite à appréhender les débats entre écoles de pensée à partir de l'aspect qu'elles choisissent respectivement de privilégier pour en faire le centre de la pratique sociale, où l'égalité est impérative. Cette exigence agira ensuite comme une contrainte sur la nature des autres décisions sociales. Si une théorie impose l'égalité sur une variable, elle devra peut-être se montrer inégalitaire sur une autre, puisqu'il est tout à fait possible qu'il y ait conflit entre les deux égalisations. (…)
Ou encore :
« Égalité de quoi ? »
pages 35 et 36)
« Pourquoi l'égalité ? Quelle égalité ?
Pour une analyse éthique de l'égalité, les deux grandes questions sont :
1) Pourquoi l'égalité ?
2) Égalité de quoi ?
Elles sont distinctes mais interdépendantes.
Impossible de (…) répondre à la première question sans traiter la seconde. C'est évident.
Mais si nous trouvons une réponse à la seconde, avons-nous encore besoin de répondre à la première ?
Si nous avons réussi à construire un raisonnement en faveur de l'égalité de x (quel que soit x - un résultat, un droit, une liberté, un respect ou ce que l'on voudra), nous nous sommes déjà prononcés pour l'égalité sous cette forme précise, x étant l'étalon de comparaison.
De même, si nous avons réfuté les arguments qui plaident pour l'égalité de x, nous avons déjà pris position contre l'égalité sous cette forme, x étant l'étalon de comparaison. Il ne reste, de ce point de vue, aucune question à traiter « dans un second temps » ou « à un niveau plus profond » afin de savoir pourquoi il faut ou ne faut pas l'égalité.
Selon cette analyse, la question 1 a tout l'air d'être la question 2 du pauvre.
L'argument est assez judicieux, mais il y a aussi un autre problème, plus intéressant et concret.
En matière d'« organisation sociale », toute théorie normative qui a subi avec succès l'épreuve du temps semble exiger l'égalité de quelque chose - ce quelque chose revêtant une importance particulière dans l'approche en question. Ces théories sont diverses et souvent en conflit entre elles, mais il apparaît, malgré tout, qu'elles partagent ce trait commun.
Si nous observons les débats contemporains en philosophie politique, l'égalité tient bien sûr une place de choix (…) Mais même ceux que l'on considère comme des partisans typiques d'une remise en cause de l'égalité ou de la «justice distributive » exigent manifestement l'égalité dans tel ou tel espace.
Robert Nozick, par exemple, s'il ne réclame certes pas l'égalité des utilités, ni de la détention des biens premiers, revendique avec vigueur celle des droits libertariens : nul n'a davantage de droits à la liberté qu'un autre. James Buchanan intègre l'égalité devant la loi et la politique - et devant bien d'autres choses, d'ailleurs - à l'idée qu'il se fait de la société bonne. Incontestablement, chacune de ces théories recherche l'égalité dans un espace précis - auquel elle attribue un rôle central 3.
3. Cette remarque ne s'applique pas, bien sûr, aux critiques de l'égalité (dans un certain espace) qui ne comprennent aucune proposition constructive pour la remplacer …»
« Égalité de quoi ? » (pages 35 et 36)
Vous en lirez bien davantage dans ce livre incontournable !
A consulter en lien direct avec le livre
Présentation des termes du débat à partir du rapport Minc
Une critique des termes du débat formulée par Jean-Paul Fitoussi
Eléments d’analyse présentés par Amartya Sen
Dynamique des inégalités, pouvoir d'achat et développement durable