L'Occident était une "évidence" : on ne savait pas très bien ce que c'était, mais il s'imposait dans les esprits : c'était un mélange de localisation géographique (l'Ouest), de régime politique (le monde libre) de régime économique (la libre entreprise) de progrès technologique (le monde développé, ou industrialisé) et de valeurs (le primat de l'individu et du doute critique).
Or, chacun de ces éléments est désormais remis en cause, selon des voies que nous parcourons régulièrement sur égéa. Dès lors, que reste-t-il de l'Occident ? En fait, une conception qui ne vient pas de lui, mais de son environnement.
1/ La première "conception" de l'Occident vient des États-Unis, qui produisent deux théories explicatives du monde après la guerre froide :
- la première est celle de Fukuyama qui avec la fin de l'histoire décrit la mondialisation heureuse : Des auteurs comme Michael Porter, Robert Reich ou plus récemment Thomas Friedmann viennent développer cette intuition : au fond, le monde s'est occidentalisé.
- la seconde est plus conflictuelle : elle est énoncée par S. Huntington qui avec sa théorie du choc des civilisations explique tout d'abord la lutte de l'Occident contre l'islam (habillé de concepts ajoutés comme lutte contre le terrorisme ou le Grand Moyen Orient). Aujourd’hui, cette lutte s'est métamorphosée en lutte contre la Chine (le nouveau challenger) répétant un schéma de guerre froide, si simple pour les esprits. Alors, l'Occident serait en lutte, toujours, comme avant.
2/ Dans les deux cas, l’Occident est conçu de l'extérieur (les États-Unis) et englobe "naturellement" d'autres territoires (tout d'abord l'Europe, mais aussi des annexes extérieures : Australie, Nouvelle Zélande, voire Japon). Or, cette perception paraît un héritage, une rémanence, et donc une illusion qui n'explique plus le monde. En clair, rien n'explique clairement plus la solidarité "interne" de cet Occident. La liaison forte transatlantique est devenue une liaison faible. D'autant plus faible que chacun des deux pôles est en déclin : les États-Unis qui font semblant de maintenir l'ordre ancien, l'Europe qui ne veut rien et n'a aucune idée du nouvel ordre mondial.
3/ La seconde conception de l'Occident vient de l'extérieur : au fond, si "nous" ne savons pas ce qu'est l'Occident, les autres (à savoir les émergents) le savent. Ce qui explique d'ailleurs leur attitude, néo-westphalienne. Comme s'ils étaient eux aussi victimes de cette rémanence (rappelons que la rémanence désigne cette traînée optique qui continue d'imprimer l’œil après que la source lumineuse s'est éteinte). L'Occident n'est alors que la "représentation" que les autres se font de nous.
4/ Ce processus me semble plus intéressant : car il signifie que nous ne sommes plus définis par notre identité, mais par le regard de l'autre. Ce n'est plus nous qui désignons le monde, c'est le monde qui nous désigne. Artificiellement, cela va de soi.
En tout état de cause, il s'agit d'une sorte de "retournement du monde" : à tout le moins d'un retournement de ses représentations.
Voilà quelques réflexions que je me suis faites aujourd'hui, au FGG qui interrogeait cette émergence en mouvement.
O. Kempf