Avait-il agi par fatigue, stress ou sincérité ? Jeudi, le candidat sortant a créé la surprise en annonçant son retrait de la vie politique le 7 mai au matin en cas d'échec à la présidentielle. Nicolas Sarkozy avait ainsi lancé un référendum contre sa personne.
Quelque chose d'inédit sous notre Vème République.
De déplacement en meeting, d'interventions en interviews, l'image est toujours la même. Nicolas Sarkozy nous présente un visage crispé au teint gris, un sourire grimaçant sous un regard fuyant.
Il a l'air si désolé d'être incompris, si déçu de ne pas comprendre.
Candidat crispé
Vendredi, la Grèce avait enfin bouclé son nouveau plan de sauvetage. Les créanciers privés avaient accepté, la veille, de renoncer à 106 milliards d'euros de dette.
Nicolas Sarkozy, lui, était à Nice. Il visitait une entreprise de déménagement. Certains symboles sont ravageurs.
Il s'agaça du grand bruit que faisaient quelques mamies invitées par l'UMP alors qu'il tentait de parler aux micros.
Il se félicita trop vite d'avoir sauvé la Grèce: « Depuis des mois avec Angela Merkel, nous avons travaillé jour et nuit pour trouver cette solution ! » « Aujourd'hui le problème est réglé, je veux dire aux Français que
tous ces efforts ont été couronnés de succès, que la page de la crise
financière est en train de se tourner, que nous pouvons nous attaquer
aujourd'hui à la crise économique ». A quelques kilomètres de là, le ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble, répliqua immédiatement: « Ce serait une grosse erreur de donner l'impression que la crise a été résolue ». Et paf!
A Nice, Sarkozy était en campagne, il cherchait le vote communautaire, chez les pieds-noirs. Il les avait oublié depuis 5 ans, sauf à considérer que la nomination ici ou là de quelques enfants de harkis suffisaient à réhabiliter ses oubliés de la guerre d'Algérie. Aucune de ses promesses de la campagne d'avant n'avait été tenue.
«Cette campagne va réserver les plus grandes surprises depuis des décennies » confia-t-il à Nice. Effectivement, à Nice, il put marcher sans souci. C'était presque une surprise. Depuis les heurts de Bayonne, chaque déplacement du candidat sortant est source d'important stress. La promenade des Anglais avait été bouclée. Il fallait une carte de l'UMP ou une invitation du maire pour franchir le barrage, et tenter d'approcher le candidat sortant, forcément souriant.
Jeudi, Nicolas Sarkozy était à Saint Just Saint Rambert, dans la
Loire. Là encore, il avait fallu quelques centaines de CRS pour
sécuriser la zone, et une carte de l'UMP pour franchir le barrage. Les images étaient terribles.
L'incident dit de Bayonne n'était pas un cas isolé, une manipulation de
quelques indépendantistes basques marginaux. Le candidat sortant
semblait enfin réaliser qu'il n'était plus désiré. Sur l'estrade, il
était furieusement tendu, exagérément crispé. Qu'il était loin le temps
où il disait « bien sentir » cette campagne !
A New-York, plus troublant encore, le conservateur Time Magazine s'inquiétait de la « xénophobie de Sarkozy ».
Moral à zéro
Journée internationale des femmes oblige, Nicolas Sarkozy s'est imposé à Yssingeaux pour saluer les ex-salariées de Lejaby.
Carla Bruni-Sarkozy avait été exhibée, mais à Paris. Mardi dans les
coulisses de l'émission de son Mari, elle qualifia les journalistes de
Pinochio. Elle s'exclama qu'elle et Nicolas étaient « des gens modestes ». Jeudi,
elle confia sur France 5 qu'elle craignait que son Mari ne meurt
d'épuisement. Et réitéra qu'excepté Etienne Mougeotte, tous les
journalistes « sont terribles avec lui, très à charge ».
Du côté des équipes de la « France forte », on avait presque le moral à zéro.
Les sondages s'obstinent à être mauvais, on a fait appel à des
call-centers privés pour rameuter des militants à Villepinte ce
dimanche, et la déclaration de Sarkozy qu'il se retirerait de la vie politique en cas d'échec a achevé la motivation de militants rares mais fidèles. Même la porte-parole Nathalie Kosciusko-Morizet est paraît-il sur la sellette. Le jeune Franck Riester se chauffe en coulisses pour la remplacer.
Ce dimanche, Nicolas Sarkozy jouait encore gros, à Villepinte, pour un meeting qu'il espérait énorme. Il coûterait 2 millions d'euros. Initialement, il était prévu que l'UMP y investisse le candidat. Finalement, il n'en sera rien. A Villepinte, il a été décidé de montrer qu'il est le candidat de tous les Français et de la France forte.
On souriait. Après l'acteur Gérard Depardieu, ce sont les frères Bogdanoff qui ont affiché leur soutien au candidat sortant. La science forte !
Comme à chaque fin ou chaque début de semaine, un ministre ou conseiller lâchait la même confidence: « Franchement, si une nouvelle dynamique ne s’enclenche pas à partir de lundi, ça risque de devenir très compliqué pour nous ». On nous promettait 40.000 puis 60.000, puis 70.000 personnes. On se souvient des sur-évalués 100.000 participants au meeting du 14 janvier 2007. Sarkozy avait limité ses apparitions pour peaufiner son discours avec sa plume Henri Guaino et ses sondeurs.
Candidat cherche propositions
Vendredi, son ministre Baroin, curieusement absent de cette campagne, s'exprimait enfin. Il a tenté de préciser la proposition de son mentor, le candidat Sarkozy, l'impôt minimum sur les grands groupes. On ne savait plus qui parlait, le ministre des Finances ou l'un des innombrables portes-paroles de la campagne du candidat du peuple.
Sarkozy, mardi soir sur France 2, lors de son émission Des Paroles et des Actes, s'était inspiré d'une proposition socialiste, une imposition minimum, cette fois-ci sur les bénéfices des grandes entreprises. Mais son idée restait gravement floue. Deux jours plus tard, sur RMC, Sarkozy dût reconnaître qu'il n'avait rien de précis. Vendredi, Baroin pataugeait: le taux de la nouvelle taxe n'était pas encore fixé, elle concernerait les entreprises basées en France dont la capitalisation boursière est
supérieure à un milliard d'euros. Elles seraient une centaine. Même si le taux n'était pas fixé, François Baroin expliqua que la taxe devrait rapporter 2 à 3 milliards. On nageait en pleine approximation. A vue.
Sur France 2, Nicolas Sarkozy avait livré du grand spectacle, près de 3 heures de télévision devant 5 millions et demi de Français, un score jugé décevant. Confronté à des questions sur son bilan, il se réfugia dans le mea culpa intime. Il évoqua sa séparation avec Cécilia, il était l'homme blessé qu'il réclamait notre indulgence. Sarkozy faisait sa psychothérapie en public. De temps à autre, il invoquait la « majorité silencieuse », celle qui devait créer la surprise les 22 avril et 6 mai prochain. Ce soir-là pourtant, cette majorité regardait les chaînes concurrentes, et surtout Docteur House sur TF1.
Sur France 2 comme sur RMC, Nicolas Sarkozy aggravait deux handicaps. Son bilan est mauvais, et ses propositions, qu'il nous promettait « choc » et multiples, sont maigres ou floues. L'autre idée du jour était la création d'une agence qui garantirait le versement des pensions alimentaires. Une protection déjà assurée par... les Caisses d'Allocations familiales.
Au QG de campagne, on regrettait que le Monarque n'ait publié son programme aussi rapidement que ses rivaux. Rappelez-vous les efforts de ses lieutenants tels Laurent Wauquiez ou Bruno Le Maire, pour accoucher d'un programme de l'UMP depuis 2010, un programme que Sarkozy a évacué dès l'été dernier.
A Villepinte, on jouait donc gros, et sans doute trop tard.
Le coeur n'y était plus.
Ami sarkozyste, reste-là.