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Cinéma Iranien à l'AFF (Asian Film Festival) de Deauville : "Death is my profession" et "Mourning"
Par VierasoutoDeux films Iraniens cette année dans la compétition du 14° festival du film asiatique de Deauville. Deux films qui vont compter (à mon avis) au moment de la remise des prix dimanche : le premier est le seul film qui prend vraiment "aux tripes", comme on dit, "Death is my profession", un tableau de la précarité et du désespoir extrêmes dans un village Iranien ; le second film "Mourning" ("Querelles") est un tour de force d'un film réalisé avec très peu de moyens qui a une idée principale de mise en scène très forte. Dans les deux cas, la qualité de la réalisation est au rendez-vous, dans le premier film c'est particulièrement bien filmé au sens des images, souvent choc, qu'on peut prendre les unes après les autres et qui sont toujours cadrées au millimètre avec un sens aigu de la perspective, dans le second, on salue l'inventivité et la maîtrise.
"Death is my profession" de Amir Hossein Saghafi (Iran)
Pitch.
Dans une région montagneuse en Iran, trois ouvriers au chômage volent des câbles de lignes d'électricité à haute tension afin de les revendre pour nourrir leur famille quand survient un accident qui entraîne un homicide.
Trois hommes se dirigent vers des pylônes d'électricité à haute tension dont ils sectionnent les câbles afin de les revendre. On comprend rapidement qu'ils en sont arrivés là après la fermeture d'une usine qui les a mis au chômage. En vérité, les trois hommes travaillent pour le compte d'un escroc qui se ne salit pas les mains lui-même. Ce jour-là, l'un d'entre eux est électrocuté, son corps pendra longtemps dans le vide comme un pendu à un arbre en fer, le pylône. Pire que tout, un paysan, qu'on a découvert rejeté par une fiancée qui le trouve trop vieux, vient demander des comptes aux voleurs de câbles. L'un d'entre eux perd les pédales et le roue de coups, à mort, il est arrêté par la police. Reste le troisième qui, roulé par son patron, comprend qu'il doit s'enfuir.
S'en suivent deux exodes en parallèle : le troisième voleur de câbles qui emmène sa petite fille avec lui, l'adjoint du policier (un jeune militaire de corvée) qui finit la route seul avec le meurtrier du paysan après 50 jours de voiture dans la neige où ils étaient au départ trois : le policier, l'adjoint, le prisonnier. Ce double chemin de croix occupe la moitié du récit. Mais, auparavant, il a été donné de voir les conditions de vie dans le village, l'habitat avec une seule pièce, un sol bétonné, troué en son centre pour y faire du feu, des habits de toute une famille qui tiennent dans une malle, un téléphone archaïque pour l'ensemble du village, etc...
Particulièrement bien filmé, cadré, avec à l'écran des sortes de tableaux expiatoires de ces hommes présentés comme des damnés de l'existence, des forçats se traînant dans la neige par instinct de survie, alors qu'ils ont tout perdu, pour retarder une mort imminente, "Death is my profession" est triste à mourir. Evidemment, on en rajoute parfois un peu trop, quand il y a déjà tant de de morts en sursis dans le film, comme cette mère larmoyante, se plaignant de sa vue déclinante avec un collyre en attendant son fils, mais c'est dans la seconde partie du film. La première partie est d'une violence brute, la violence du désespoir et de la misère extrêmes, des hommes condamnés par la réalité économique du pays à devenir des criminels pour tenter de nourrir leur famille. Tout le long, le film a le sens du gros plan choc, du mouvement, de l'action.