Et la page et le feu, et la meule et le grain,
et le cheveu tranché et le fil de la hache,
Dieu conservera tout ; et plus que tout les mots
de pardon et d’amour qui sont sa voix profonde.
Le craquement des os, le pouls brisé, le choc
de la pioche : c’est là leur scansion souterraine ;
car si la vie est une, ils résonnent plus haut
aux lèvres des mortels que dans l’ouate du ciel.
Grande âme, à toi de par-delà les mers, Salut,
Toi qui trouvas les mots, toi, ta mortelle forme
dormante au sol natal, qui grâce à toi reçut
en ce monde emmuré le don de la parole.
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- Extrait de Vertumne et autres poèmes - Traduction Hélène Henry -
- Joseph Brodsky - 1989 -
Poète russe ( Léningrad 1940 - New-York 1996 ) contraint à l'exil en 1972.
- Nobel de littérature en 1987 -
" Le froid m'a élevé, il a glissé la plume
entre mes doigts, pour que serrés ils se réchauffent. "
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