Entre celui de la « division » et l’autre de « l’illusion », le candidat qui nous prend pour des couillons.
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« Pour Bayrou, Sarkozy incarne “la division”, Hollande “l’illusion” »
C’est ce genre de titres que vous retrouverez aujourd’hui dans différents journaux et sites qui s’adonnent à la facilité du bon mot sans passer par la case «analyse critique ». Le candidat du Modem était en effet hier soir l’invité de l’émission politique « Des paroles et des actes» sur France2, seul dans un premier temps, puis confronté à Manuel Valls pour représenter le candidat du PS, certainement retenu ailleurs.
Tout en faisant autre chose, j’ai jeté un œil de temps en temps sur l’écran de télévision sans éprouver le besoin, à aucun moment, d’y adjoindre l’autre. Celui-ci me suffisait bien. Car tout ce que j’en retiens, c’est un profond ennui, un discours totalement technocratique et froid, sans passion, sans émotion, au rythme d’un cheval de trait qui creuse son sillon, toujours le même, inlassablement : celui de la rigueur, de l’austérité, de l’économie en toutes choses. Tout cela manque singulièrement de générosité. Le projet n’appelle pas franchement l’enthousiasme…
Il fut un temps pas si lointain où je me surprenais à caresser l’hypothèse que Bayrou pourrait bien tirer son épingle du jeu au point d’emporter la victoire en 2012. Mon point de vue était qu’il pouvait espérer profiter à la fois de l’impopularité de l’un et de l’irrésolution de l’autre. Partant du principe que la France n’est majoritairement pas de gauche, les démocrates de droite le rallieraient plutôt que de cautionner le virage extrêmement droitier du régime sarkozyste. Mais aujourd’hui, je ne le crois plus. Ce qui a changé ? Le fait que cet homme risque fort d’apparaître de plus en plus, au fur et à mesure qu’il se dévoile davantage et se fait plus précis quant à ses recettes, pour ce qu’il est : celui qui veut nous enfoncer de force dans une voie sans issue qui a fait ses preuves avec des exemples aussi divers que ceux de la Grèce, du Portugal, de l’Italie, et de l’Espagne… Et ce n’est pas fini. Uniformiser vers le bas les pays européens au point de les voir pressés de rejoindre le rang des pays en voie de développement, voilà le misérable miracle auquel sont parvenus les dirigeants de l’élite politico-financière à la sauce Goldmann-Sachs, dont ses anciens cadres tiennent les rênes de tant de pays… Au plus grand mépris de la morale publique. Il ne me semble pas vraiment évident que Bayrou puisse constituer un rempart contre ces gens là, dont la cupidité et l’absence de scrupules ne feraient qu’une bouchée.
Aussi, je doute fortement que mes concitoyens, à moins d’être complètement bouchés à l’émeri, embrassent volontiers l’avenir que leur promet Bayrou, fait exclusivement de serrage de ceinture, de diète et de soumission aux lois sacrées du marché libre et non faussé. Je ne sais pas si vous avez remarqué, pour ceux qui ont regardé l’émission, mais il y avait une étrange connivence en terme de doxa économique, entre Lenglet, le gars des graphes certes, mais aussi l’orthodoxe libéral pur et dur au point d’en être caricatural tant il prend son idéologie pour une science exacte, et Bayrou. Pour moi, ça veut tout dire. De même que l’entente idéologique cordiale entre Bayrou et le prétendu contradicteur représenté par Valls, typiquement de l’aile droitière du PS, au point qu’il me semble usurper le titre de socialiste. Pour preuve de mon procès en sorcellerie envers le renégat à la cause gauchiste, cette pièce à verser au dossier : Bayrou n’a-t-il pas conclu qu’il accepterait que Manuel Valls fasse partie de son éventuel gouvernement ? La collusion est consommée.
Je ne sais pas du tout comment évoluera cette présidentielle, je ne suis pas Madame Irma, mais je suis sûr d’une chose : si nous sommes protestants, nous autres, français, ce n’est pas religieusement (ce qui paraît-il nous ferait accepter plus volontiers la cure d’amaigrissement que nous propose comme seul alternative possible le candidat du Modem), mais au sens contestataire, comme l’histoire actuelle est en train de le prouver malgré le silence des médias sur la traînée de poudre qui est en train de flamber sous les pas de Sarkozy…
Dans la colère qui est la nôtre, la forte attente d’une bouffée d’air pur qui est la nôtre, dans la volonté qui est la nôtre de voir advenir un monde meilleur et una venir plus radieux pour nso enfants, ainsi que voir notre pays dirigé par quelqu’un qui représente un mouvement plus épris de justice et de liberté, d’équité sociale, je ne pense pas qu’il y ait de la place pour quelqu’un comme Bayrou, sinon à la marge, pour épater la galerie par ses vieilles certitudes que la page historique qui se tourne est en train de balayer.
Hier soir, ce que j’ai vu, c’est un vieux diplodocus manger du foin en regardant de son œil torve les moutons qui l’entouraient, soucieux de n’en rien laisser paraître, mais habité par une seule envie : les bouffer tous.