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Bayrou ni diviseur, ni illusionniste

Publié le 09 mars 2012 par Sylvainrakotoarison

Excellente prestation du candidat François Bayrou dans sa dernière grande émission télévisée avant le début de la campagne officielle. Son débat des plus policés avec Manuel Valls l’a néanmoins rendu un peu moins combatif.

yartiBayrou20120308A01Crayon (français) à la main, François Bayrou était l’invité de la longue émission "Des Paroles et des actes" animée par David Pujadas ce jeudi 8 mars 2012 sur France 2. La longueur a cet avantage, au risque de l’ennui des téléspectateurs, de donner aux candidats invités l’occasion de présenter en détail leur programme présidentiel.

Des idées concrètes et originales

Le candidat centriste a eu ainsi la possibilité d’exposer quelques mesures concrètes qu’il entend faire appliquer dès son élection à la Présidence de la République. Et François Bayrou ne manque pas d’idées pour réduire les dépenses de l’État sans imposer un régime d’austérité. Par exemple, il compte réorganiser le service d’urgences des hôpitaux en installant un sas avec des médecins pour filtrer ceux qui ont besoin d’être hospitalisés des autres malades qui viennent aux urgences par facilité.

L’invité du centre a également souligné qu’il était le seul candidat à prôner une politique européenne ambitieuse pour relancer la construction européenne après avoir fait une véritable déclaration d’amour à l’Europe. Et ce n’est pas en remettant à plat un traité déjà négocié par vingt-sept pays. Pour mettre enfin de la démocratie, il veut l’élection par tous les Européens d’un véritable Président de l’Union Européenne qui doit aussi présider la Commission Européenne. Il veut surtout une identification des responsables européens par les citoyens européens.
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François Bayrou a voulu dramatiser avec raison la situation budgétaire de la France. Il a ainsi expliqué que 2012 serait la dernière chance d’éviter l’effondrement financier que connaissent aujourd’hui d’autres pays comme la Grèce. Il est encore possible d’éviter les mesures d’austérité extrême qui ont été adoptées tant en Grèce qu’en Espagne ou même en Grande-Bretagne, comme la baisse des pensions de retraite, des salaires de fonctionnaires etc.

Contre la bipolarisation

Pour cela, il faut un pouvoir raisonnable, capable de refuser la démagogie et la division. C’est en cela que le positionnement de François Bayrou est tout à fait convaincant : rejetant le manichéisme de la bipolarité UMP/PS, il a expliqué que l’affrontement stérile entre la droite et la gauche crée artificiellement des excès à droite et à gauche pour cliver le débat, or, la résultante de cela n’est pas la modération mais au contraire un double excès. Lui propose le contraire.

Pour lui, la bipolarisation a empêché stupidement à des personnalités comme Jacques Delors, Michel Rocard, Raymond Barre et Valéry Giscard d’Estaing de gouverner ensemble alors qu’ils étaient sur la même longueur d’onde sur ce qu’était l’intérêt du pays. Il a également cité Pierre Mendès France.

C’est là que ses chances présidentielles sont encore intactes : en refusant le choix entre la division et l’illusion, François Bayrou permet à de nombreux électeurs de s’y retrouver.

Division par les stigmatisations outrageantes du candidat Nicolas Sarkozy contre les étrangers et les immigrés. François Bayrou s’est d’ailleurs plu à demander comment on pouvait réduire l’immigration légale, actuellement d’environ 180 000 par an, dont 70 000 provenant de nos pays voisins, 65 000 qui sont des étudiants venant en France pour suivre des formations attractives, et une grande part sont simplement issus des mariages mixtes, et a pose simplement la question : comment peut-on interdire à quelqu’un de se marier à un Allemand ? et de quel droit ?

François Bayrou a même cité Alain Juppé, choqué par le discours de Nicolas Sarkozy dans sa ville de Bordeaux le 3 mars 2012 (il a parlé de "c*nnerie" !), ou encore d’autres centristes de l’UMP un peu plus timorés dans leur expression qui demandent un peu plus de signes d’humanité (je pense qu’il faisait référence à une déclaration de Marc-Philippe Daubresse ou de Jean Léonetti). Alors, le leader centriste a asséné martialement : il ne faut pas qu’on demande au Président de la République des signes d’humanité. Cela devrait venir de lui-même.

Illusion par les surenchères électoralistes du candidat François Hollande, prêt à multiplier les dépenses publiques pour satisfaire sa base socialiste et sans aucune crédibilité pour réduire les déficits publics car se basant sur une croissance aussi fantaisiste (+2,5% au lieu de 1,5%) que le programme de l’UMP. Même Michel Rocard et la Cour des Comptes (dirigée par le socialiste Didier Migaud) l’ont affirmé, d’ailleurs.

Sa majorité centrale

Sur le plan de ses soutiens politiques, François Bayrou a expliqué assez clairement qu’il ne compterait ni sur Pierre Méhaignerie, qui abandonne la vie politique, ni sur Jean-Louis Borloo qui était lié à l’UMP pour d’autres raisons que politiques (François Bayrou a suggéré avec malice de lire les journaux économiques récents), mais a en revanche considéré que les propos de Dominique de Villepin sur l’unité nationale et sur un gouvernement resserré étaient tout à fait compatible avec sa démarche (crudité de l’instantané, Dominique de Villepin a aussitôt tweeté pour dire qu’il n’était pas question de se rallier à lui !).

Quelle serait sa position pour le second tour ? Être présent ! Et il l’a indiqué clairement : il est l’adversaire résolu de François Hollande, et aussi l’adversaire résolu de Nicolas Sarkozy. Il battra l’un au premier tour et l’autre au second tour.
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Sûr de sa présence au second tour, donc, et persuadé qu’il sera élu (l’excellente journaliste Hélène Jouan a souligné d’ailleurs qu’il ne parlait jamais au conditionnel mais au futur), François Bayrou n’a pas hésité à revenir à l’origine de la Ve République qui veut que le Président de la République nomme un gouvernement et que ce gouvernement cherche ensuite une majorité à l’Assemblée Nationale, rappelant que De Gaulle n’avait pas de majorité évidente en 1959, la preuve, c’est qu’il a dû dissoudre en 1962.

C’est d’ailleurs peut-être la clef de la "magie" Bayrou : en plus de l’effet d’entraînement du référendum qu’il propose au premier tour des élections législatives et de l’éclatement de l’UMP à la suite de son élection (car il faut rappeler que c’est cette hypothèse), il est convaincu que les électeurs lui donneront une majorité et surtout, que cette majorité sera assez "sage" pour ne pas provoquer de dissolution (qui entraînerait également la disparition de nombreux députés puisque le référendum aura décidé de la diminution du nombre de parlementaires, mesure que je trouve personnellement peu pertinente si on veut renforcer le pouvoir de contrôle du Parlement).

François Bayrou a précisé aussi le portrait-robot de son futur Premier Ministre : pas quelqu’un issu du paysage politique (précisant en leur présence : ni Philippe Douste-Blazy ni Marielle de Sarnez) mais ayant une très grande expérience. Alors qu’on a lancé deux noms sans qu’il les ait relevés (Jean Peyrelevade et Jean-Claude Trichet), François Bayrou a eu le tort, à mon sens, de prendre l’image d’un super-Mario Monti, le Premier Ministre italien, alors que je pense que cette image est plutôt répulsive : dans une démocratie, il serait cohérent de prendre au contraire un politique à la tête du gouvernement. François Bayrou, en fait, souhaiterait la nomination d’une personnalité de la même stature qu’un Raymond Barre, par exemple. J’y reviendrai certainement.

Débat Bayrou versus Valls

Le débat de trente-huit minutes entre François Bayrou et Manuel Valls a été de bonne tenue et plutôt constructif.

Première remarque : au contraire d’Alain Juppé (face à François Hollande) et de Laurent Fabius (face à Nicolas Sarkozy), Manuel Valls a montré de très bonnes qualités de débatteur, probablement est-ce la conséquence d’un début de carrière et pas d’une fin de carrière…

Deuxième remarque : François Bayrou a eu une faiblesse tactique en laissant dévier le débat sur le programme socialiste et pas le sien. Son but était de rassembler, mais il aurait dû plus insister sur son référendum sur la moralisation de la vie politique, par exemple (même s’il a constaté que le PS est assez hypocrite sur le non cumul des mandats par exemple).
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Manuel Valls a dû s’expliquer à plusieurs reprises sur sa casquette actuelle, directeur de la communication de François Hollande, et son ancienne casquette de l’automne 2011, candidat à la primaire socialiste. François Bayrou a eu beau jeu d’insister sur le manque cohérence de Manuel Valls à propos des dépenses publiques (Manuel Valls avait écrit dans son récent livre : « On ne pourra pas dépenser un euro de plus ! »), de la règle d’or, de l’augmentation de la TVA, de la retraite à 60 ans, des 60 000 fonctionnaires en plus, des 300 000 emplois aidés etc. François Bayrou préférait le Manuel Valls de l’automne dernier qui était économiquement un peu plus sérieux qu’aujourd’hui.

François Bayrou a même annoncé un scoop, que certains de ses soutiens (pas lui !) ont participé à la primaire socialiste : « Un certain nombre de mes amis sont allés voter pour vous à la primaire. ». Il a indiqué notamment son ami Jean Peyrelevade (Manuel Valls est cependant convaincu que l’ancien patron du Crédit Lyonnais aurait plutôt voté pour François Hollande).

Fort pertinemment, Manuel Valls a rappelé que François Bayrou s’était opposé en 2007 à Nicolas Sarkozy sur ses valeurs et à Ségolène Royal sur son programme. Par astuce de sophiste, le lieutenant socialiste a donc demandé au candidat centriste quel critère est le plus important à ses yeux. François Bayrou a répondu évidemment que les valeurs primaient sur le programme… mais que parmi ces valeurs, il y a la vérité sur le redressement financier.

Manuel Valls a trouvé un angle d’attaque qui pourrait être valable en considérant que François Bayrou ne proposait rien pour doper la croissance. Mais ce dernier lui a répondu que les dépenses publiques supplémentaires ne renforceraient pas la croissance alors que l’assainissement des comptes publics remettra le pays dans un cercle vertueux qui redonnera confiance aux investisseurs privés.

C’est d’ailleurs l’une des réflexions essentielle de François Bayrou, celle qui consiste à redéployer une stratégie industrielle, pas par des financements publics (comme dans les années 1960) mais par un rôle de coordination nationale en créant un Commissariat à la stratégie industrielle.

Par ailleurs, Manuel Valls ne rend pas crédible le programme socialiste en lâchant du bout des lèvres : « Si la croissance n’est pas là, on s’adaptera. ».

Dernière pique de Manuel Valls, sans trop de conviction, il a traité François Bayrou de candidat de la stagnation. Étrange, ce type d’attaque provenant d’une défenseur d’un candidat qui a fait de l’immobilisme (« L’immobilisme est en marche, rien ne pourra l’arrêter ! » disait Edgar Faure !) lorsqu’il était à la tête du PS son credo prioritaire.

Peu de conviction donc dans les attaques car en fait, il y a peu d’écart de vue entre François Bayrou et Manuel Valls (mis à part leur choix à cette élection), ce dernier faisant partie des personnalités que François Bayrou appellera sans aucun doute après son élection.

Une nouvelle alternative en dehors de la division et de l’illusion

Alors que François Hollande multiple les meetings électoralistes (le dernier à Reims le 8 mars 2012) et que Nicolas Sarkozy joue pleinement son va-tout personnel en faisant du préJospin (il quitterait la vie politique en cas d’échec électoral, ce qui doit réjouir Jean-François Copé), François Bayrou apporte aux Français une véritable alternative, visant à prendre des décisions budgétaires raisonnables et socialement juste tout en refondant l’unité nationale autour des valeurs de l’honnêteté et de la réconciliation.

De plus en plus d’électeurs lui reconnaissent d’ailleurs sa stature présidentielle. Même les journalistes commencent leur petit jeu d’allégeance (on ne sait jamais). Tenant sa route avec une force de conviction peu commune (seul Jacques Chirac en 1995 l’a égalé), François Bayrou est curieusement souriant et joyeux depuis le début de sa campagne : ce n’est pas parce que la situation est grave qu’il faut perdre espoir. François Bayrou veut redonner cet espoir d’un avenir qui irait mieux et pas seulement se résigner à gérer dans l’immédiateté les multiples crises qui émailleront sans doute encore les années prochaines.

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (9 mars 2012)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Un référendum pour moraliser la vie politique dès juin 2012.
L’État impartial.
Le vote utile.
L’unité nationale.
Sarkozy diviseur.
Hollande illusionniste.
Manuel Valls.

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