Temps morts (extrait)
Pénétré vers le Temps. continué à disparaître
petit à petit par parties. d’un membre à l’autre.
jusqu’à près de la fin. et vers la fin, recommencé encore
petit à petit, en morceaux.
nuit tomba. deux fois dessus. il neigea.
fut oublié. quelques pas à l’écart. depuis la pièce.
quelques pas. deux ou trois. la longueur d’un bras.
depuis l’extérieur les fenêtres ont glissé.
blanc oublié. une vision, vers la fin,
depuis l’Intérieur de tout ce qui à jamais serait toujours
Intérieur. enterré. fin contre fin. oublié.
encore et encore
Extrait de : Theresa Hak Kyung Cha : Exilée / Temps Morts (1980). Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle
Temps morts (extrait)
Moved in towards Time. continued to disappear
little by little in parts. from limb to limb.
just to the end. and towards the end, over again
little by little, in pieces.
night fell. twice over. it snowed.
it was forgotten. a few steps away. from the room.
a few steps. two or three. arm’s length.
from the outside the windows slid.
forgotten white. a view, towards the end,
from the Inside of all that would ever be ever
Inside. buried. end to end. forgotten.
over and over
Extrait de : Theresa Hak Kyung Cha : Exilée / Temps Morts (1980), réédition : University of California Press 2009
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Aller/Retour (extrait)
Le jour s’efface devant l’obscurité
Jour vu à travers le voile de la nuit
Gris film translucide jeté entre lumière du jour et obscur
dissolvant le ciel en lavande
en mauve en blanc avant que la nuit domine.
À peine un murmure
Entre l’obscur et la nuit
Suspendre le retour de ceux qui quittent les pièces
Tandis que des ombres s’élèvent et pareillement disparaissent
Suspension du secret dans les pièces abandonnées
Passage de secret insu de ceux qui se quittent
Jour s’effaçant devant l’obscur
Enlever lumière Re en lever les sons au loin. Au plus loin.
Absence pleine. Absence luit. Bocaux. Laissés comme sont.
Fruits comme ils sont. L’eau dans du verre où perles remontent en surface.
Radiance dans son immobilité de silence.
Tandis que la nuit re voile le jour.
Extrait de : Theresa Hak Kyung Cha : Dictée, Third Woman Press 1982. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle
Aller/Retour (extrait)
Day recedes to darkness
Day seen through the veil of night
Translucent grey film cast between daylight and dark
dissolving sky to lavender
to mauve to white until night overcomes.
Hardly a murmur
Between dark and night
Suspend return of those who part with rooms
While shadows ascent then equally fade
Suspension of the secret in abandoned rooms
Passing of secret unknown to those who part
Day receding to dark
Remove light Re move sounds to far. To farther.
Absence full. Absence glow. Bowls. Left as they are.
Fruit as they are. Water in glass as beads rise to the rim.
Radiant in its immobility of silence.
As night re veils the day.
Extrait de : Theresa Hak Kyung Cha : Dictée, Third Woman Press 1982. Réédition: University of California Press 2001.
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Terpsichore / Danse chorale (extrait)
Tu cherches la nuit pour rendre pur l’air. Distillation élargissant le souffle jusqu’à son point le plus pur. Sa première expiration à recueillir à l’aube. Dans les replis des feuilles loge un bassin de rosée, larmes les plus claires. Récolte-les avant qu’elles chutent de leur propre poids. Tu es debout, colonne blanche lustrée rédimée par les larmes, rétablie dans le souffle. (…)
Dressée maintenant, une vide colonne d’artère et veine, figée dans la pierre. Privée d’aile. Privée de mains, pieds. Continuant. Sur cette voie. Cela doit, sans rien qui altère ou brise l’ampleur, rien d’externe qui s’impose sur la plénitude de ce vide. Demeure ainsi. Un moment. Puis sans marque visible de transition, cela prend l’identité d’une durée. Cela reste. Toute chronologie perdue, indéchiffrable, le passage du temps, jusqu’à son oubli. Oubliée la manière dont cela reste, dont cela endure. (…)
L’eau à la surface de la pierre capture la lumière en mouvement et implore un accès. Tout est supplique à remuer la pesante masse interne de la pierre.
Rendez les voix pour joindre le poids de la pierre au poids des voix.
Couleurs ternies s’éclaircissent dans la transparence du blanc et lavent la périphérie de la pierre, bariolant la pierre sans teinte. (…)
Extrait de : Theresa Hak Kyung Cha : Dictée, Third Woman Press 1982. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle
Terpsichore / Danse chorale (extrait)
You seek the night that you may render the air pure. Distillation extending breath to its utmost pure. Its first exhale at dawn to be collected. In the recesses of the leaves is an inlet of dew, clearest tears. You stow them before their fall by their own weight. You stand a column of white lustre, atoned with tears, restored in breath. (…)
Stands now, an empty column of artery, of vein, fixed in stone. Void of wing. Void of hands, feet. It continues. This way. It should, with nothing to alter or break the fullness, nothing exterior to impose upon the plenitude of this void. It remains thus. For a time. Then without a visible mark of transition, it takes the identity of a duration. It stays. All chronology lost, indecipherable, the passage of time, until it is forgotten. Forgotten how it stays, how it endures. (…)
Water on the surface of the stone captures the light in motion and appeals for entry. All is entreat to stir inside the mass weight of the stone.
Render voices to meet the weight of the stone with weight of voices.
Muted colors appear from the transparency of the white and wash the stone’s periphery, staining the hue-less stone. (…)
Extrait de : Theresa Hak Kyung Cha : Dictée, Third Woman Press 1982. Réédition: University of California Press 2001.
Portrait de Theresa Hak Kyung Cha par Jean-René Lassalle