Préambule ; la sociologie aide à dessiner à grands traits une société ; ne pas vous reconnaître dans ce portrait ne veut pas dire qu’il n’existe pas. Constater de quelque chose ne veut pas dire que je l’approuve.
Très tôt, avant même leur naissance, garçons et filles sont conditionnés à leur futur rôle. Des études montrent que devant un bébé qu’on suppose garçon, on loue sa vivacité et son caractère colérique. L’on exalte chez le petit garçon des valeurs dites viriles comme la compétitivité ou l’agressivité. Une étude menée par Fisher Price révélait que les parents répugnent à ce qu’un petit garçon joue à des « jeux de fille ». Même si les modèles parentaux ont beaucoup évolué, et que les pères souhaitent s’occuper de leurs enfants, on voit encore des poupons à destination unique des petites filles.
Si l’agressivité et la compétitivité sont beaucoup encouragées chez les petits garçons, elles sont aussi durement réprimées. l’enfant se retrouve ainsi dans un système de double bind. Aux USA le nombre de garçons traitées avec de la ritaline est bien supérieur à celui des filles. En France on punit beaucoup plus les garçons en invoquant d’ailleurs parfois la naturalitéde leur comportement.
Comme le souligne Daniel Welzer Lang; le garçon doit rentrer dans « la maison des hommes ». j’ai ainsi souvenir d’une mère disant à son fils de 4 ans qui était tombé et pleurait « ne pleure pas t’es pas une fille« . L’enfant était doublement humilié ; on lui niait le pouvoir des larmes pour se soulager, et on le ramenait à ce qu’il ne faut surtout pas être pour un homme ; une femme, une femelette, une fillette, un homme efféminé. C’est ce qui revient d’ailleurs dans l’enquête de Fisher Price ; les jouets dits de fille auraient le pouvoir magique de transformer de jeunes garçons en êtres efféminés.
Christophe Dejours montre les rituels existant encore dans certains corps de métier pour « être un homme » : « Est un homme véritablement viril celui qui est insensible à la souffrance, ne refuse jamais une tâche par peur, et inflige lui-même la souffrance ou la douleur à autrui. Celui qui déroge à cette loi est un gars qui n’en a pas, un «pédé» : l’insulte est toujours sexualisée. Ces comportements ne sont pas de simples manifestations stupides de virilité. Ce sont des dispositifs mis en place pour combattre la peur, des stratégies collectives de défense. »
Si les hommes sont en général instigateurs des violences physiques et sexuelles, ils sont également victimes de ces violences. Laurent Mucchielli montre que les deux tiers de victimes d’homicides sont des hommes (entre 85 et 90% des auteurs identifiés).
Pourtant cette violence est admise, tolérée, comprise comme faisant partie du chemin de vie d’un homme. celui qui s’en plaindrait, qui ne voudrait pas rentrer dans ce « jeu », qui refuserait le rôle social qu’on lui impose, serait vu comme … un non homme.