Je suis en train de lire un livre remarquable de Christian le Dimna sur les liens entre poésie et mystique.
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Christian LE DIMNA, docteur en littérature française générale et comparée (Université de Nantes) réside au Japon depuis près de 25 ans. Il a enseigné dans les universités nationales de Tsukuba et de Hiroshima et il est actuellement professeur de littérature et de langue françaises à l’Université de la Ville de Hiroshima (Hiroshima City University)
Quatrième de couv :
"Un lecteur averti de la sorte et qui découvre alors un certain texte de Douglas Harding, célèbre mystique contemporain, voit fortuitement s'ouvrir devant lui une bouleversante perspective, tant spirituelle que littéraire, à un énigmatique groupe de poèmes de Jean Tardieu, intitulé Monsieur Monsieur. Les deux premiers quatrains du poème Iintitulé « Monsieur interroge Monsieur » mettent en scène deux personnages qui échangent ce dialogue :
Monsieur, pardonnez-moi
de vous importuner :
quel bizarre chapeau
vous avez sur la tête !
Monsieur vous vous trompez
car je n'ai pas de tête
comment voulez-vous donc
que je porte un chapeau !
Douglas Harding, quant à lui, témoigne ainsi dans son livre intitulé en français Vivre sans tête :
"Le plus beau jour de ma vie ma nouvelle naissance en quelque sorte fut le jour où je découvris que je n'avais pas de tête. Ceci n'est pas un jeu de mots, une boutade pour susciter l'intérêt coûte que coûte. Je l'entends tout à fait sérieusement : je n’ai pas de tête. [...] Je découvris instantanément que ce rien, ce trou où aurait dû se trouver une tête, n'était pas une vacuité ordinaire, un simple néant. Au contraire, ce vide était très habité. [...] J'avais perdu une tête et gagné un monde. [...] En dehors de l'expérience elle-même ne surgissait aucune question, aucune référence, seulement la paix, la joie sereine et la sensation dřavoir laissé tomber un insupportable fardeau".
Cette étonnante convergence entre le poème et le témoignage d'une expérience mystique a tout d'abord le mérite de nous prévenir que ce qui pourrait être considéré comme une curiosité poétique, contient en réalité la description d'une expérience réelle. Perdre la tête, c'est ici faire l'expérience de ma propre absence dans le paysage, celle d'un monde où je ne suis pas, en quelque sorte l'expérience de ma propre mort en tant que personnage. Je ne regarde plus alors le monde mais le monde est regardé sans agent. Il s'agit d'une « expérience des sommets » procurant le vertige à qui s'y trouve transporté sans préparation." C. Le Dimna