L'augmentation du prix des hydrocarbures, depuis trois décennies, est à l'origine du ralentissement généralisé de la croissance. Comment lutter contre la raréfaction annoncée de ce qui a constitué le carburant du moteur de la croissance au XXéme siècle?
Pour trouver des solutions pour sortir de la crise, les experts débattent. Deux modèles émergent de ces discussions : le modèle de l'austérité et de la rigueur, imposé par le couple Sarkozy et Merkel et le modèle néo-keynésien de la relance par le soutien à la croissance.
Mais ces deux modèles exigent une croissance qui se fait attendre et qui semble ne plus jamais revenir. Beaucoup estiment que la seule voie possible pour la retrouver serait le modèle allemand d'une stratégie commerciale et industrielle tournée résolument vers l'exportation.
Si cette voie ne doit pas être écartée, ce serait une erreur de ne croire qu'en elle. La France n'est pas l'Allemagne actuelle mais plutôt le Japon d'aujourd'hui. Et il n'y a pas d'avenir pour ceux qui se contente de copier les réussites du présent : il faut dix ans pour relancer une politique. Dans dix ans, le monde sera bien différent.
Proposons autre chose. Plutôt que de se focaliser uniquement sur la capacité d'exportation française, travaillons sur nos importations. La France dépense plus de 50 milliards par an en achat d'hydrocarbure. Cette dépense va augmenter fortement dans les années à venir. Les pays qui réussiront demain seront ceux qui vont être capable de diminuer fortement cette dépendance.
Or, il existe une technologie de l'avenir pour cela : la méthanisation des hydrocarbures. De quoi s'agit-il? Utilisons le méthane, le plus simple des hydrocarbures, pour remplacer notre pétrole et notre gaz. Mais utilisons du méthane produit de manière artificielle. Ainsi, sans changer de manière drastique nos infrastructures (le méthane utilise celles du gaz dit "naturel" et il suffit d'équiper nos véhicules pour "rouler au gaz"), on pourra, à terme, se passer de ressources fossiles qui vont devenir ruineuses.
La technologie la plus prometteuse pour produire artificiellement du méthane est celle de la méthanation, inventée au début du XXéme siècle par le français Paul Sabatier, prix Nobel de chimie.
L'opération se fait en deux temps: d'abord par électrolyse de l'eau, on produit de l'hydrogène, ensuite, celui-ci, mis en présence de gaz carbonique, se transforme en méthane avec un dégagement de chaleur de 350°C.
On peut donc parfaitement imaginer, des petites usines qui produiraient à la fois de la chaleur et du méthane. La chaleur sera utilisée soit dans des réseaux de chaleur collectifs, soit dans des processus industriels externes, soit pour produire de l'électricité.
Le méthane produit sera stocké pour être utilisé comme gaz naturel (chauffage, cuisson, carburant pour les véhicules).
Pour réaliser la méthanation, il faut de l'énergie électrique. On utilisera, pour cela, les surplus intermittents de production, en particulier ceux de l'éolien, mais aussi ... les surplus des centrales nucléaires dans les périodes de creux de consommation.
Cette stratégie possède un inconvénient majeur : l'importante perte de rendement de la méthanation évalué à 30%. Mais il faut le relativiser dans la mesure où l'énergie utilisée sera du surplus nucléaire ou éolien.
La stratégie de méthanisation a, par contre, de nombreux avantages. Elle permettra de régler le reproche récurrent de l'intermittence des énergies renouvelables. Possèdant un parc nucléaire important, la France, dans les différents scénarios de transition énergétique, n'a pas de problèmes de productions électriques. Elle ne sait que faire des surplus de production.
La méthanation va lui permettre à la fois de régler ce problème et de produire elle-même une partie des hydrocarbures dont elle est fortement dépendante. Elle va donc réduire ses importations et améliorer sa balance commerciale. De plus, la construction des unités de méthanation va être fortement productrice d'emplois.
Que démontre l'exemple de la méthanation? D'abord que les différents experts qui s'expriment et cherchent des solutions à la crise ne peuvent se contenter de schémas immuables (moins d'Etat, davantage de relance, ...). Ils doivent chercher les solutions d'avenir. Or, celles-ci ne pourront faire l'économie de la transition énergétique et de la crise environnementale.
Ensuite, cela montre que nous nous trompons sur le modèle allemand. Ce qui fait sa force, n'est pas l'austérité généralisée mais plutôt la capacité d'anticipation. Car si c'est un français qui a inventé la méthanation, c'est l'Allemagne qui, la première, a relancé la recherche et l'innovation dans ce domaine.