Mais il se passa l'incroyable. Sarkozy appelait à l'aide.
Il demandait qu'on le débranche.
Sarko le suicidaire ?
La vraie nouvelle fut cette annonce inopinée, qu'on hésite à penser téléguidée:
JJ Bourdin: Si vous perdez cette élection présidentielle, est-ce que vous arrêtez la politique ?Cet aveu, évidemment démobilisateur, était surtout d'une incroyable maladresse tactique, un quasi-suicide politique. Sarkozy continuait sa psychothérapie personnelle en public. Depuis le lancement officiel de sa candidature, le 15 février dernier, son slogan de campagne est inchangé: « aidez moi ! ». Ce jeudi, il répéta: « Aidez-moi à construire la France forte, à faire triompher nos valeurs, notre idéal »
N. Sarkozy: Oui.
Comme l'expliqua plus tard Jean-Michel Aphatie, Nicolas Sarkozy venait de lancer un véritable Sarkothon, un référendum à le virer de la vie politique le 7 mai prochain. Nous avions envie de crier: « aidez-le ! Aidez-le à partir ! ». Avec un peu de mobilisation, nous avions donc tous, entre nos mains, la faculté d'effacer Nicolas Sarkozy du champ politique.
Ce n'était pas un suicide mais une euthanasie. L'appel à l'aide à mourir d'un homme incapable de se débrancher tout seul.
L'ex-frontiste Guillaume Peltier, nouveau secrétaire national de l'UMP désigné par Nicolas Sarkozy réagit comme il put dans un communiqué: « Concernant son annonce de se retirer de la vie politique en cas de défaite le 6 mai prochain, ce n’est pas un scoop : Nicolas Sarkozy l’avait déjà dit, il le répète en toute franchise à une auditrice ». C'était faux. Sarkozy répondait à Jean-Jacques Bourdin.
Le soir même, Nicolas Sarkozy lui-même, en meeting, tenta d'atténuer l'impact de sa bourde matinale. Il dénonça ainsi « ces responsables politiques qui disent aux Français 'soyez capables de changer de métier, de changer de formation, de changer de région, de changer de logement', mais qui eux-mêmes ne sont capables que d'une seule chose, défendre leur carrière, défendre leur statut et rester quoi qu'il arrive accrochés à leur poste ». Il a du promettre: « Cette campagne, je vais la conduire pour vous emmener à la victoire mais avec authenticité, avec vérité et avec passion ».
Cela fait deux ans qu'il est en campagne. Pourquoi parler au futur ?
Parlait-il de lui ?
Sarko le magicien.
A nos problèmes, Sarkozy répéta ses solutions magiques. Le pouvoir d'achat baisse-t-il ? Il faut travailler plus! « Très bien la formation, encore faut-il qu'il y est des emplois » s'inquiéta Bourdin. Il n'y qu'à « forcer » la formation des chômeurs. Sarkozy découvrit que seuls 10% des chômeurs étaient envoyés en formation. Il ressortit son triste argument de référendum. Le chômage, d'ailleurs, n'était pas réel d'après le candidat sortant.
« Je vous demande de me croire. Je rencontre beaucoup de chefs d'entreprise qui me disent ne pas trouver de candidat à leurs offres. » Mieux encore, Nicolas Sarkozy répéta quelques chiffres infondés, comme ce nombre de 500.000 offres d'emploi insatisfaites chaque année. Pour le chômage des jeunes, il avait aussi sa solution, évidemment inusitée depuis 2007: l'apprentissage et l'alternance. Le 18 janvier dernier, il avait flingué d'une formule le désastreux bilan de sa ministre Nadine Morano en charge de la chose: « Les chiffres ne sont pas bons. (...). Une entreprise sur deux de moins de 250 salariés a moins de 1% de jeunes en apprentissage »
Aux questions des auditeurs, dans la seconde moitié de l'émission, il avait d'autres réponses, toujours grossières. Jean-Jacques Bourdin, malheureusement, avait moins de répartie.
A cet auditeur qui lui rappela sa promesse de résoudre le problème SDF avant 2009, l'encore Monarque répliqua qu' «à aucun moment cet hiver, il n'y eut de morts de froid ». Nous avions honte.
A un autre qui s'inquiétait de la crise du logement, il s'exclama: « Il n'y a pas assez d'offre de logements. Qu'avons-nous fait ? C'est fait, c'est voté, (...) l'augmentation des surfaces habitables.» Comme si la « libération » des contraintes allait soudainement débloquer les investissements immobiliers du pays...
Sarko le menteur
Pour une fois, la seconde après l'émission de mardi dernier sur France 2, Nicolas Sarkozy dut défendre son bilan. Ainsi, sur le pouvoir d'achat, le dialogue vira en vrille avec Jean-Jacques Bourdin. Pire, il mentit, en public et en direct, en assurant que la France était « le seul pays d’Europe où le pouvoir d’achat a augmenté de 1,4% par an malgré la crise ».
L'affirmation était fausse et archi-fausse.
En France, le pouvoir d'achat avait aussi souffert qu'ailleurs. Les chiffres étaient têtus.
Il a proposé de créer une carte Vitale biométrique, un vieux projet qui datait déjà de 10 ans. Même le Figaro douta de la proposition, toute droit issue du programme ... de Marine Le Pen. « La circulation de fausses cartes Vitale semble relever du mythe » expliqua le journal de Serge Dassault.
Sarkozy rétropédala encore un peu plus sur la polémique halal, mais réitéra son revirement sur le droit de vote des étrangers aux élections locales: « Sur les quinze dernières années, les tensions communautaires ont fortement augmenté ». Il accusa, bien sûr, le Parti socialiste, de vouloir « récupérer le vote communautariste », puisqu'il aurait « perdu le vote populaire ». Et lui, qui semble avoir tout perdu, qui cherche-t-il à convaincre en annonçant son départ ?
Faire le lien, c'est excessif. Ne pas en parler, c'est excessif aussi.
Sarko le féministe
Un peu plus tard, il se rendit à Yssingeaud, rencontrer les ouvrières de Lejaby. Il avait fait virer du trajet les médias de gauche, sauf le Nouvel Obs ou Marianne, après de lourdes insistances... L'établissement avait été sauvé grâce à un coup de fil de Sarkozy à son ami Bernard Arnault. La politique industrielle de Sarkozy se résume à quelques appels téléphoniques à des amis à des moments bien choisis.
A Lejaby, Sarkozy voulait faire d'un déplacement trois coups: la défense des usines, l'illustration de son idée de formation (puisque les salariées de Lejaby devaient se former à la maroquinerie), et ... la journée internationale des femmes. A RMC le matin puis plus tard à Yssingeaud, le Monarque sortit sa proposition du jour, la création d'une agence qui « soulagera la souffrance des mères car le père ne paie pas la pension alimentaire ». On était intéressé. Quelle était cette brillante idée qui avait germé dans l'esprit du Président-depuis-5-ans ?
On n'avait pas compris. Sarkozy semblait proposer un dispositif... qui existe déjà ! Les Caisses d'Allocations Familiales, via l'Allocation de Soutien Familial, assurent déjà le versement des pensions alimentaires ordonnées par les Juges aux Affaires Familiales...
Sur Twitter, son équipe de campagne s'agitait aussi pour démontrer combien le candidat sortant était féministe. « Je rends ce soir hommage à toutes les femmes qui par leur engagement, leur travail, leur amour, et leur courage font la France forte ». On ne savait plus qui tweete au nom du candidat. Mais les messages envoyés sur ce réseau social sont souvent surréalistes. Nous voulions interpeler Nicolas Princen, ce trop jeune HEC qui gère depuis l'Elysée la campagne internet du candidat sortant: essayez d'être crédible !
Après Yssingeaud, Sarkozy avait un micro-meeting dans la Loire, à Saint Just-Saint Rambert, pas loin de Saint-Etienne. Quelques 200 manifestants l'attendaient. Ils furent chargés par les CRS pour nettoyer les lieux, juste devant la salle de meeting.
En coulisses, les militants retraités de l'UMP s'activaient pour trouver 50.000 participants au « grand » meeting de Villepinte, ce dimanche. Il fallait du monde pour impressionner l'adversaire. A l'UMP, on appelait à gogo. On avait même loué les services d'entreprises privées en renfort pour récupérer de nouveaux figurants. On a embauché des « professionnels de la relance téléphonique » pour « contacter individuellement les militants ». On a affrété des trains spéciaux de l'autre bout du pays à 10 euros le trajet.
Le soir, Carla Bruni-Sarkozy était invitée sur France 5, dans l'émission C A VOUS, présentée par Alexandra Sublet. Journée des femmes oblige, la première dame trônait là, en toute simplicité. L'émission ne dérangea pas. Elle nous expliqua qu'elle craignait pour la santé de son mari de Monarque. « Il travaille 20 heures par jour, donc j’ai peur qu’il meure, qu’il tire trop sur la corde ».
On comprenait mieux pourquoi Nicolas Sarkozy, ce jeudi 8 mars, nous demanda de le débrancher.